Peste soit de l'horoscope et autres poèmes
de Samuel Beckett

critiqué par Septularisen, le 4 mars 2018
( - - ans)


La note:  étoiles
"Et le vieux crâne vidé de ses spectres se noiera dans son propre chaos"
PRÉCEPTE

Passe les années d’études à gaspiller
Le courage qu’il faut pour les années d’errance
Dans un monde qui se détourne poliment
Des incongruités de l’érudition

Gnome (1934)

«Peste soit de l’horoscope» rassemble les poèmes de M. Samuel BECKETT écrits entre 1930 et 1976 et restés inédits en français. Si la «valeur» intrinsèque des poèmes présentés ici semble, parfois, pouvoir être remise en doute, - d’autant plus que «Peste soit de l’horoscope», bien que constituant (en septembre 1930, il a alors vingt-quatre ans), la première publication séparée de BECKETT, est en fait un poème écrit en quelques heures pour participer à un concours (*) -, l’intérêt principal de cet ensemble est qu’il permet de suivre la lente évolution et maturation de l’écriture de l’écrivain Irlandais.

RONDEAU

tout au long de ce rivage
à la tombée du jour
seul bruit les pas
seul bruit longuement
jusqu’à s’arrêter sans raison
alors aucun bruit
tout au long de ce rivage
aucun bruit longuement
jusqu’à repartir sans raison
seul bruit les pas
seul bruit longuement
tout au long de ce rivage
à la tombée du jour

Roundelay (1976)

En effet, si au début des années trente, son style est encore celui d’un jeune étudiant un peu farceur et se rapproche du style baroque, (BECKETT fréquente alors les surréalistes et les dadaïstes…), la poésie des années soixante-dix est typique de l’écriture qui l’a rendu célèbre. Pas de points, pas de virgule, une impression de vide et un style épuré parfaitement maîtrisé, une langue sculptée, ciselée, délibérément dépouillée.
Comme toujours je m’efface devant le poète (la typographie est celle de l’auteur) :

là-bas

là-bas
surprenant
pour un être
si petit
jolis narcisses
armée de mars
alors en marche

puis là
puis là

puis de là
narcisses
encore
mars alors
en marche encore
surprenant
encore
pour un être
si petit

thither
1976

(*) : D’après l’introduction de Mme. Edith FOURNIER :
«Paris, juin 1930. Samuel Beckett loge encore rue d’Ulm dans la turne qu’il occupe depuis deux ans en tant que lecteur d’anglais à l’École Normale Supérieure, et qu’il devra bientôt quitter à la rentrée d’octobre. Il apprend tardivement, le jour même de la date limite fixée pour le dépôt des textes, qu’un concours pour le meilleur poème de moins de cent vers ayant pour sujet le temps, a été proposé par Richard Aldington et Nancy Cunard qui dirigent à Paris les éditions en langue anglaise Hours Press. En quelques heures, il écrit Whoroscope, poème de quatre-vingt-dix-huit vers sur la vie de Descartes, telle qu’elle fut décrite en 1691 par Adrien Baillet. Il achève ce poème en pleine nuit, va le glisser dans la boîte à lettres de Nancy Cunard avant l’aube, et il remporte le concours.».