Les personnages
de Sylvie Germain

critiqué par Jeparo, le 24 mai 2004
(Bruxelles - 59 ans)


La note:  étoiles
Germain fait son Art du roman
S'il y a un auteur français contemporain qui mérite de figurer dans les anthologies de littérature autant pour la cohérence que pour la richesse de l'oeuvre qu'elle bâtit de livre en livre, c'est bien Sylvie Germain.
Il y a peu, elle a déposé dans nos librairies une centaine de pages inspirées que ses aficionados savoureront comme à l'acoutumée.
C'est justement l'inspiration elle-même qu'elle a pris pour sujet, plus particulièrement le personnage. Comment il vient à l'écrivain, comment il s'impose, comment il vient dicter, transmettre son histoire, muettement, par une présence répétée dans le champ de vision de l'auteur (on peut penser à la pleurante des rues de Prague) qui a pour tâche de traduire cette présence en mots ("il veut une vie textuelle") et de réussir, quand c'est possible, ce nouvel accouchement.
Au passage, au gré de ses déambulations, Sylvie Germain aborde la fonction de la littérature : nous amener, à nous "qui nous lisons les uns les autres si superficiellement, à apprendre à lire, soi-même et les autres, avec lenteur et acuité, jusqu'à entr'apercevoir des minces écritures tremblées, discrètes et cependant tenaces qui proposent une autre version de lecture, une autre interprétation, plus souple et subtile."
Elle illustre son propos d'un texte de Paul Célan, d'une fresque de Michel-Ange, d'une interrogation sur l'auto-fiction et de deux courtes nouvelles (six et douze pages) en belle résonnance avec son sujet.
Sylvie Germain ne triche pas. L'authenticité parcourt son oeuvre : elle écoute en elle et elle écrit. Son imagination rigoureuse, sa justesse, son extrême sensibilité aux frémissements, aux moindres mouvements qui sourdent en nous en font un écrivain rare, un prosateur profondémment poétique et dont dont on imagine bien que la source n'est pas prête de tarir, c'est tout le bien que l'on peut lui souhaiter, pour elle comme pour nous.