Colloques des simples et des drogues de l'Inde
de Sylvie Messinger Ramos, Garcia da Orta

critiqué par Sahkti, le 24 mai 2004
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Premier traité de phytothérapie
Quel plaisir enfin de parcourir ce thésaurus en français, véritable mine d’or et puits de science rédigé par un auteur du XVIe, portugais installé à Goa où il fit imprimer cet ouvrage en 1563, le premier traité de médecine tropicale et de pharmacologie.
Un livre qui n’est pas un guide de santé par les plantes comme on en trouve tant dans le commerce (et ô combien de fadaises !), mais un véritable ouvrage de phytothérapie qui se veut aussi texte philosophique.

Garcia Da Orta est originaire de l’Alentejo. Converti au christianisme afin d’échapper à l’Inquisition, il fait des études de médecine et de philosophie à Salamanque et Alcala de Henares où il étudie la pharmacie médiévale arabe.
Devenu médecin du roi, il est ensuite embauché par Martin Afonso de Sousa, amiral des mers de l’Inde avec lequel il s’embarque en 1534, avant de s’installer à Goa. Suivent trente années d’études, d’analyses et d’observations des plantes qui aboutiront à la publication de ces "Colloques des simples et des drogues de l’Inde", série de dialogues entre Da Orta et le médecin Ruano, désireux d’en apprendre davantage sur les drogues médicinales. On imagine aisément que Ruano n’existe pas et qu’il n’est que prétexte à Da Orta pour lancer les questions et les réponses mais finalement, peu importe car ce qui compte avant tout est le contenu du texte. C’est édifiant. En 58 chapitres, da Orta énumère et explique toutes les richesses des plantes médicinales, des épices et des pierres que l’on trouve en Inde. Une plante par chapitre, des informations étymologiques, des applications, des expériences et des remèdes. Se succèdent ainsi santal, camphre, opium, cannabis ("qui corrompt la semence génitale et rend les femmes facétieuses et séduisantes"), aloès ou ambre, dans un langage clair et très compréhensible. Pas de recettes miracles en fin de volume ou de conseils à la Rika mais un tas d’explications utiles et intéressantes sur les plantes et leurs propriétés. Avec au fil des descriptions une leçon de vie et d’éducation pour les peuples de tous horizons : leur enseigner la richesse et la valeur des plantes, donc de la nature qu’il convient de préserver. Un traité d’écologie avant l’heure en quelque sorte.

Da Orta mit son expérience au service des autres en conseillant onguents et parfums afin de détendre, procurer du bien-être, voire soigner les petits maux anodins. De quoi éveiller les soupçons et lancer l’Inquisition sur ses traces, qui le condamnera en 1560 pour crypto-judaïsme.
A signaler que cet ouvrage de Da Orta fut publié à nouveau en 1891 sous la direction du comte de Ficalho, qui agrémenta les recherches de Da Orta de nombreuses explications critiques, confirmant par là même toute la richesse de ce livre et la véracité des affirmations de Garcia Da Orta.