La Vie fantasmagoriquement brève et étrange d'Amadeo Modigliani
de Velibor Čolić

critiqué par Pucksimberg, le 31 janvier 2018
(Toulon - 44 ans)


La note:  étoiles
La vie rêvée de Modigliani
Velibor Colic catégorise lui-même cette oeuvre de "roman mosaïque" et il a bien raison ! Ce court texte contient de nombreux chapitres brefs, de la prose poétique, sur Modigliani, cette figure célèbre plus fantasmée et rêvée que dépeinte avec réalisme. C'est le Montparnasse du début du XXème siècle qui est décrit. On y côtoie Cocteau, Max Jacob, Chaïm Soutine, Le Corbusier mais aussi les femmes qui ont été sources d'inspiration comme Jeanne Hébuterne, Lolotte, Béatrice, Clara ... Toutes les émotions sont exacerbées et ces textes sont emplis de vie, de boissons, de pavot et de sexe. Le lecteur côtoie par le biais de la poésie et de scènes oniriques ce grand peintre qui mourut jeune comme ne cesse de nous le rappeler l'auteur en notant après son nom, continuellement et fatalement, sa date de naissance et celle de mort. Et puis il y a la mort de sa muse qui se défenestre, enceinte ...

Velibor Colic possède une très belle plume, joue avec les mots et les images et en vient à conférer de la poésie à certaines scènes décrites. Quelques-unes d'entre elles deviennent quasi-surnaturelles et semblent représenter les tableaux de l'artiste avec ces personnages sans yeux qui semblent sonder notre âme :
"Avec un peigne, la femme arrache le scalp de l'ange. Jeanne Hébuterne tatoue des pavots et des soucis sur la face interne de sa cuisse cireuse.
C'est l'été mais il n'y a pas de soleil.
Ses yeux n'ont pas de prunelles non plus.
Il rêve qu'il avance, parmi ses excentriques compatriotes italiens qui portent, sur une croix improvisée, une madone crucifiée, nue, violée."
Velibor Colic peut être cru aussi parfois. C'est la vie qu'il dépeint à sa manière, tel un peintre, par touches successives, par des scènes disparates.

La vie de Modigliani est ponctuée aussi d'extraits de grands romans, comme ceux des textes de Kafka ou de Camus qui envoûte avec la fin de "L'étranger" dans lequel Meursault invite à l'accueillir avec des cris de haine.
Le texte de Velibor Colic est beau, pictural, et arrive à toucher comme le font certains poètes maudits dont le verbe possède une force rare.