critiqué par Pucksimberg, le 31 janvier 2018
(Toulon - 44 ans)

La note: étoiles

La transposition d'un roman de Mircea Cartarescu par Baudoin !

Ce roman graphique associe deux artistes que j'affectionne particulièrement. Je ne pouvais qu'être porté par cet ouvrage dans lequel le narrateur Victor, un homme de 34 ans, se souvient du jeune Lulu, une sorte de double androgyne. Parallèlement à ce récit l'on suit Baudoin en Roumanie, à Bucarest. Il rencontre le plus grand auteur roumain contemporain Cartarescu ( Quelle chance !). Et puis Baudoin raconte un peu de lui-même à travers Victor, et même à travers Lulu, et même encore à travers Cartarescu. C'est un récit enchâssé dans lequel les personnages en cachent d'autres, comme des poupées russes. Chaque individu est travesti et cache une part de soi. L'on pourra faire les mêmes déductions sur l'écrivain roumain et sur Baudoin.

Les textes de Mircea Cartarescu sont souvent complexes, métaphoriques et brouillent la frontière entre le réel et l'imaginaire. On ne sait plus parfois si ce que nous lisons appartient au monde des rêves ou bien à la réalité. Baudoin a totalement respecté cet aspect. Il y a certains animaux qui envahissent les romans de l'auteur : les araignées. L'univers décrit permet de plonger dans la psyché des personnages, mais il faudra souvent interpréter afin d'appréhender le contenu. La sexualité occupe une place importante dans ce roman graphique soit sous la forme des fantasmes d'adolescents soit de manière plus concrète. En lisant l'oeuvre de Baudoin on entend la musique de Cartarescu et sa capacité à emporter le lecteur dans sa poésie et dans un univers déstabilisant.

Le trait de Baudoin est fidèle à ce qu'il dessine habituellement, tout ceci enrichi par la possibilité de partir dans des dessins cauchemardesques ou énigmatiques comme les autorisent les romans de l'auteur roumain. Les dessins ne sont pas épurés ici, au contraire ils foisonnent de détails. Il y a quelque chose de mystique dans cette représentation, quelque chose de sacré et d'universel. Oui, certaines pages sont hermétiques mais sont suffisamment évocatrices pour résonner avec notre inconscient.