Altesse Royale
de Thomas Mann

critiqué par Septularisen, le 21 janvier 2018
( - - ans)


La note:  étoiles
UN DIVERTISSEMENT… SIGNÉ THOMAS MANN!
«Altesse Royale» (Königliche Hoheit, 1909), nous conte la vie de Klaus Heinrich Grimmburg. Il est le prince cadet d’un Grand-Duché comme il en existait tant en Allemagne aux alentours des années 1800. Deuxième fils mâle de la famille royale de son pays, il est très vite aimé et respecté par la population d’autant plus qu’il est est né avec une atrophie de la main gauche.

Dès son plus jeune âge il est donc éduqué pour un jour accéder au trône. En effet, son frère ainé, Johan Albrecht présente une santé très fragile et n’est guère enthousiasmé par les affaires de la couronne. Une série de rencontres forgent alors le caractère du jeune prince, le cordonnier Hinnerke, le docteur Sammet, son professeur et mentor Raoul Ueberbein… Tous joueront un rôle plus ou moins prépondérant dans l’éducation et la vie du jeune prince.

A la mort de son père, Johan Albrecht lui succède, mais délègue la plupart de ses responsabilités et de ses représentations à son frère cadet, qui malgré son handicap, prend en charge de la meilleure manière ses fonctions. Quelque temps après, un évènement inhabituel se produit dans la vie très tranquille du Grand-Duché. Un richissime américain d’origine allemande Samuel Spoelman vient « prendre les eaux » dans la station thermale du pays.
Mieux encore, celui-ci revient l’année suivante et décide même de s’installer définitivement dans le petit pays. Il va jusqu’à racheter un château à la famille royale, qu’il rénove à grand frais pour s’y établir. C’est du pain bénit pour le petit pays qui au bord de la faillite financière croule sous les dettes, et qui voit donc d’un très bon œil l’installation de ce très riche contribuable !

Un jour, alors qu’il assiste à la relève de la garde, puisque, même si de façon symbolique, Klaus Heinrich est avant tout un soldat, il aperçoit pour la première fois la belle Imma Spoelman, Le jeune prince tombe immédiatement sous son charme…

Il m’est toujours difficile de poster un résumé critique d’un livre d’un immense écrivain comme Thomas MANN. On se sent ici très petit, très démuni et simple lecteur face à ce "monument" de la littérature allemande… Alors, disons avant tout qu’il s’agit ici avant tout d’une rareté. "Altesse royale" occupe en effet une place à part dans l’œuvre de l'écrivain, c’est en effet le seul livre de Thomas MANN (qui le qualifiait d’ailleurs de «Comédie en forme de roman ») qui se termine par un «Happy End» ! Ce n’est pas un drame, mais plutôt un «conte de fées». C’est une histoire simple, très linéaire, limpide et réjouissante.

Que dire de plus? L'histoire est bien amenée, il n’y a pas de «tension dramatique», comme dans les autres livres du grand écrivain allemand. Au contraire, c’est même parfois un livre très drôle! Attention toutefois à ne pas croire qu’il n’y a pas de consistance dans ce livre, ce n’est en aucun cas un vaudeville! L’écriture, typique de cet auteur, est très intense, très concentrée, difficile à lire et requiert une attention de tous les instants. En effet si, comme déjà dit, c’est un MANN sortant des sentiers battus, ce n’est certainement pas une bluette à la sauce allemande! Bien au contraire. On peut aussi en faire une lecture allégorique ou initiatique Il y a tour à tour des réflexions sur la vie, la royauté, le rapport maître-élève, l’économie et la conduite d’un pays, l’enseignement, la place et le rôle des femmes dans la société de l’époque…

Les personnages sont attachants et très bien décrits psychologiquement. En tout premier lieu Klaus Heinrich bien sûr (dont la ressemblance avec Louis II de Bavière n’aura sans doute échappé à personne), mais aussi Imma Spoelmann jeune fille forte, sûre d’elle-même et très indépendante.
Les personnages secondaires constituent toute une galerie dont on pourrait parler pendant des heures, en règle générale ils composent ici un ensemble représentatif de la société de l’époque. On trouvera donc le Grand-Duc Albrecht «prisonnier» d’un rôle qu’il exècre, le richissime américain Speolmann, qui doit sa fortune au commerce de l’acier, les membres de la vieille aristocratie allemande comme la comtesse Loewenjoul, la dame de compagnie d’Imma Spoelamnn ou encore les deux vieux ministres M. von Knobelsdorff et M. von Bühl zu Bühl qui font tout ce qu’ils peuvent pour le bien du pays, mais qui sont complètement dépassés par les évènements…
D’ailleurs, je dois avouer que lire les aventures de ce «Grand-Duché» n’a pas été sans me rappeler mon pays natal et sa famille royale où d’ailleurs le Grand-Duc actuel est justement marié à une roturière d’une famille très riche…

Disons en conclusion qu’«Altesse Royale», n’est pas «La montagne magique », ni les « Buddenbrook » et si on découvre l’œuvre du grand écrivain allemande par ce livre, l’on risque de se faire une idée très fausse de son immense talent! C’est avant tout un «divertissement», mais un divertissement signé Thomas MANN! C’est dire si j’en recommande la lecture! Je dois d’ailleurs dire que si je ne mets pas cinq étoiles à ce livre, c’est uniquement à cause de la fin du livre que j’ai trouvée un peu trop rapide et précipitée et qui aurait bien valu quelques belles pages en plus…

Rappelons, si cela devait être nécessaire, que Thomas MANN a été le lauréat du Prix Nobel de Littérature en 1929.