Fabio Montale : Total Khéops, Chourmo, Soléa
de Jean-Claude Izzo

critiqué par Jfp, le 6 janvier 2018
(La Selle en Hermoy (Loiret) - 76 ans)


La note:  étoiles
Marseille, sauvage au rouge cœur
L’inoubliable "trilogie marseillaise" de Jean-Claude Izzo met en scène, dans le Marseille des années 90, Fabio Montale, un policier hors normes qui ne va pas tarder à abandonner une profession en laquelle il ne croit plus, ainsi que ses amis et ses femmes. Ses amis, il les recherche parmi le petit peuple marseillais, voyous et ex-voyous inclus, prostituées aussi. Ses femmes, qui incluent la catégorie précédente, il les a aimées, s’en est fait aimer, mais n’a jamais su les garder car il a trop peur de leur faire du mal. Car c’est un grand sensible, Fabio Montale. Une sensibilité à fleur de peau qui ne fait guère bon ménage avec sa vision manichéenne de la société : d’un côté les bons, de l’autre les méchants, bons et méchants n’étant pas forcément ceux que la justice ou la rumeur publique rangerait dans ces deux catégories. Au travers de trois histoires bien distinctes ("Total Khéops", "Chourmo", "Soléa") ces personnages constituent l’univers d’une petite comédie humaine très "fin de siècle", laissant peu d’espoir tellement l’appétit des puissants fait peu de cas de la chair humaine. Polar social, certes, mais aussi roman solaire (soleil noir ?), avec une empathie totale pour les personnages "positifs" (les exclus, les sans-dents), magnifié par une écriture alliant efficacité et lyrisme.
Trilogie imparable et essentielle 10 étoiles

La flemme d'écrire une critique sur chacun des trois romans (et donc sur chacune des trois fiches) de cette trilogie, donc le fait que cette fiche consacrée au tome regroupant les trois romans existe me rend bien service.
C'est une trilogie qui compte assurément parmi les meilleures du genre, trois opus aussi réussis les uns que les autres, aucun ne l'est plus ou moins que les deux autres (ma préférence va cependant à "Chourmo", le deuxième volet, le plus épais du lot, mais pas de beaucoup).
Je ne parlerai pas de l'adaptation en série TV avec Alain Delon, qui était correcte mais trop éloignée, souvent, du matériau de base. Le film basé sur "Total Khéops" (premier de la trilogie), avec Bohringer, était pas mal aussi. Mais rien n'est au-dessus de ces trois romans d'Izzo, qui célèbrent Marseille comme un personnage à part entière et proposent un héros aussi attachant qu'inoubliable, le flic tome 1) et ex-flic (le reste) Fabio Montale. Et les personnages secondaires, récurrents (Fonfon, Honorine, Lole, Loubet) ou non (Marie-Lou, Cûc), sont excellents aussi.
Seul petit reproche, et encore : on a souvent de très imposantes énumérations de nom de lieux marseillais, un peu comme si Izzo voulait vraiment prouver, à chaque instant, qu'il connaissait sa Massilia sur le bout des ongles et son héros aussi. Noms de rues, de quartiers, de cités, etc, par lots de trois ou quatre en même temps, régulièrement, de roman en roman, à force, on a envie de lui dire "c'est bon, on sait que c'est à Marseille que ça se passe". Izzo était natif de la cité Phocéenne, y est mort en 2000, y a vécu sinon toute sa vie, du moins une bonne partie de sa vie, et on sent qu'il aimait sa ville, ville hélas pourrie par la violence actuelle (mais Marseille a toujours été une ville brutale, voir "Borsalino"), mais belle ville tout de même. Mais personnellement, ces répétitions très fréquentes façon "guide bleu" n'apportent, souvent, rien à l'intrigue. Petit reproche, donc, qui ne me fait en rien baisser ma note, maximale.
Et si je devais noter chaque roman séparément, le 5/5 serait de rigueur dans tous les cas. Romans courts (entre 300 et 350 pages chacun) mais géniaux, un sommet du genre.

Bookivore - MENUCOURT - 42 ans - 26 juin 2023