Il était une fois le gène
de Siddhartha Mukherjee

critiqué par Colen8, le 29 novembre 2017
( - 83 ans)


La note:  étoiles
Le transhumanisme, autre nom de l’eugénisme
Les réponses évoquées par Aristote à des questions qui nous hantent depuis l’antiquité(1) se révèlent peu à peu au travers de cette fresque historico-scientifique, captivante sur le fond autant que vivante et limpide dans la forme. Celle-ci mêle habilement plusieurs récits :
- les avancées révolutionnaires de la biologie et de l’évolution depuis Mendel cultivant ses petits pois en 1863, reconnu longtemps après comme premier auteur de lois sur l’hérédité car il avait eu l’intuition abstraite du gène, jusqu’au séquençage finalisé en 2001 des plus de 3 milliards de bases composant les quelque 20 000 gènes répartis sur 23 paires de chromosomes du génome humain
- les personnalités et circonstances de l’élaboration d’une nouvelle science, qui loin de se contenter de la connaissance du vivant en arrive au clonage, puis au projet de transformation de l’homme avant même la formation de l’embryon, ce qui n’est pas sans poser les questions de l’avenir en termes scientifiques, éthiques et philosophiques
- les progrès médicaux résultant de l’identification d’une origine génétique à de nombreuses maladies mono ou polygéniques selon le nombre et la nature des gènes en cause : Tay-Sachs, hémophilie, anémie falciforme, mucoviscidose, hémochromatose, Huntington, Marfan, cancer du sein etc. qui ont incité chercheurs, médecins et autorités à tenter les premiers essais balbutiants de thérapie génique
- l’histoire personnelle de l’auteur, indien de naissance devenu médecin oncologue aux Etats-Unis, dont la famille est touchée sur plusieurs générations par la combinaison apparemment génétique de schizophrénie et de troubles bipolaires(2).
C’est à partir de 1900 qu’une course de fond zigzagante se met en branle. Le botaniste hollandais De Vries qui avait rencontré Darwin auparavant se mit à réfléchir à un lien entre hérédité et évolution après avoir pris connaissance des travaux de Mendel,. Dans les années 1920 nait l’hypothèse de gènes en tant qu’unités physiques réparties le long des chromosomes. Les décennies suivantes voient l’identification de l’ADN comme molécule du gène couronnée en 1953 par la description de sa structure en double hélice. Entre-temps les crimes nazis avaient plombé toutes les expérimentations en médecine humaine : la théorie de l’eugénisme largement diffusée par Galton le propre cousin de Darwin, notamment encouragée et répandue aux Etats-Unis à la suite de l’immigration massive de populations européennes miséreuses avait justifié pour Hitler l’élimination de millions d’êtres considérés comme « inférieurs » par pure idéologie.
On est pris de vertige quand on sait que les cellules souches embryonnaires ont acquis la capacité de produire des cellules germinales, que l’édition génomique ouvre la porte à l’écriture de tout ou partie d’un génome humain, que les autorités chinoises ne se sentent nullement tenues de respecter un moratoire instauré par les gouvernements démocratiques à la demande de la communauté médicale et scientifique.
(1) Mis à part les créationnistes de tous temps, tous pays, toutes religions.
(2) L’écriture de Siddharta Mukherjee minutieuse, précise, documentée est bien servie par la traduction de Pierre Kaldy, ancien chercheur en biologie moléculaire, reconverti en journaliste scientifique sur les questions de biologie et de médecine au Figaro d’une part, à Science et Avenir d’autre part.