Cinq Mars
de Philippe Erlanger

critiqué par Saint Jean-Baptiste, le 26 novembre 2017
(Ottignies - 88 ans)


La note:  étoiles
Romance, conjuration, tragédie...
Il est parfois intéressant de lire la biographie d’un personnage secondaire de l’Histoire et Cinq-Mars, assurément, en est un ; pourtant, d’après son biographe Philippe Erlanger, il a changé le cours de l’Histoire.

Il était le favori de Louis XIII qui le chérissait d’amour tendre au point de ne rien pouvoir lui refuser. Mais cette grande histoire d’amour ne se termine pas par « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants ». Et pour cause… mais pourquoi devait-elle se terminer en tragédie ? C’est que Cinq-Mars n’aimait pas le Roi. Il lui préférait ses belles amies. Il était le don Juan de son époque et c’est Richelieu qui l’avait poussé dans les bras de Louis XIII. En fait, Richelieu comptait sur Cinq-Mars pour détourner le Roi de ses maîtresses qui le détestaient et manigançaient contre lui pour l’écarter du pouvoir. Avec Cinq-Mars il espérait retrouver les faveurs du Roi et lui imposer ses propres volontés.

Richelieu apparaît dans ce livre comme un personnage sans cœur et sans parole, un fourbe et un retors jusqu’à la cruauté. Mais ce sont peut-être là les vertus d’un grand diplomate car Richelieu fut un grand diplomate, l’auteur ne le contredit pas, au contraire.
Beaucoup d’autres personnages apparaissent dans ce livre sous un jour inaccoutumé : Anne d’Autriche, femme de Louis XIII, qui se sent plus espagnole que française ; Gaston d’Orléans, frère du Roi, qui l’aurait bien assassiné pour prendre sa place ; et puis ces princes et princesses fantasques, derniers représentants des Valois qui, avec les dames du demi-monde, réjouissaient les nuits du Tout-Paris dont notre Cinq-Mars était le chantre incontesté et intouchable. D’autant plus incontesté et intouchable qu’il jouissait des faveurs du Roi.

Et puis Louis XIII lui-même apparaît dans son intimité, sous un jour particulièrement tragique : profondément religieux mais tourmenté par ses passions ; perpétuellement entouré d’espions et de courtisans félons, ce malheureux vivait dans un nid de vipères. Il était tout dévoué à son peuple mais victime de ses faux amis qui complotaient avec les Espagnols contre lui et contre la France. Ce malheureux Roi ne trouvait de réconfort qu’en présence de son ami Cinq-Mars, qui pourtant, se moquait de lui avec son cortège de maîtresses.

Comme bien souvent dans les biographies, l’auteur se prend d’affection pour son héros. Philippe Erlanger n’échappe pas à la règle. Il est prêt à tout pardonner à Cinq-Mars et on peut le comprendre. Cinq-Mars était un bambocheur frivole et étourdi, certes, mais il était conscient du pouvoir que lui donnait sa position après du Roi. L’auteur nous dit qu’il était généreux et chevaleresque, toujours prêt à défendre son pays par les armes quand il le fallait. Mais il a été victime de ses prétendus amis, gens de sac et de corde, qui le manipulaient pour accomplir leurs pires forfaits. Il a surtout été victime des honteuses manœuvres de Richelieu qui s’en servait pour imposer ses volontés au Roi. Finalement ce Richelieu, qui se prétendait son ami, lui fit connaître le destin tragique de ceux qui doivent expier pour les autres.

Comme toujours avec Erlanger, cette biographie se lit comme un roman. Cinq-Mars a vécu à une période particulièrement mouvementée de l’Histoire au milieu de personnages redoutables ou pittoresques mais toujours hors du commun. On s’amuse en lisant cette biographie et, en même temps, on apprend beaucoup de choses sur la grande Histoire et sur les mœurs du temps. Une Histoire et un temps, faut-il le dire, à cent lieues de ce que nous vivons aujourd’hui.