Un américain bien tranquille
de Graham Greene

critiqué par Tistou, le 13 mai 2004
( - 68 ans)


La note:  étoiles
Ne pas se fier aux apparences
Un américain bien tranquille, un anglais bien "Greenien", une Indochine tourmentée à souhait qui préfigure les affres du futur Viet Nam, des français paumés dans cette atmosphère "fin des colonies" qui marquera la déroute de la France là bas, des indochinois (es) à la logique foncièrement incompatible avec celle, occidentale, des susdits américains, anglais, français, ...
G.G. possède le grand art de faire passer une atmosphère en faisant semblant de raconter une histoire. Le véritable héros, ce n'est pas ce pauvre PYLE, l'américain bien tranquille, ni même FOWLER, l'Anglais désabusé typique de la faune 'fin de colonies", ni encore PHUONG l'indochinoise, ... C'est en réalité l'ambiance délétère de SAIGON de cette époque, c'est l'incommunicabilité des êtres, et des cultures. C'est aussi cette sensation d'un destin à jamais écrit et auquel on n'échappe pas, déja vu chez GREENE, notamment dans LA PUISSANCE ET LA GLOIRE.
Dans sa capacité à faire ressentir, palper, une culture ou l'ambiance d'une contrée, d'une époque, G.G. fait penser au grand LOTI, celui de Mémoire d'un Zouave par exemple. Et sans le côté chiant ou didactique qui caractériserait un déclaré spécialiste de l'Indochine des années 50. G.G. c'est d'abord du talent, puis du vécu et enfin l'humilité de s'effacer devant le sujet traité. Graham GREENE c'est beau, et il faut le lire!
Saigon années 50 10 étoiles

Saigon, sa moiteur, un monde interlope...

Un correspondant de guerre britannique, Thomas Fowler, survit grâce à Phuong, sa maîtresse vietnamienne, qui s'occupe de tout pour lui.
Un Américain, dont on ne connaît pas les activités, semble s'attacher à Fowler. Le problème est qu'il s'attache aussi à Phuong.
La vie des colons français et de tous les étrangers présents tourne principalement autour de l'alcool et et de l'opium , sauf pour notre Américain, Pyle, qui a l'air si sage.

Allers-retours Saigon/Hanoï pour les journalistes grands reporters, impression de secret autour des différentes opérations (ce qui est bien normal). Les Français ont vraiment mauvaise presse auprès des Anglo-Saxons.

Des pousse-pousse s'arrêtent et repartent...Il fait toujours aussi chaud !

L'atmosphère et le tempérament des divers personnages sont rendus à merveille.
Et le style de Graham Greene est toujours admirable. On ne s'en lasse pas.
Ce livre m'a beaucoup touchée.

Aria - Paris - - ans - 25 juillet 2011


j'y étais 10 étoiles

""...certainement aucun personnage vivant au Viet-Nam : Pyle, Granger, Fowler, Vigot, Joe..n'ont pas d'originaux à Saïgon ou à Hanoï, et le général Thé est mort...L'ordre même des évènements historiques a été modifié.." écrit Graham Greene. Plus que l'histoire de cette guerre d'Indochine où s'enlise la France et où l'Amérique vient s'embourber voici le récit profondément humain d'un monde cosmopolite avec ses correspondants de guerre, braillards comme Granger, désabusés et égarés dans leur solitude (Fowler), d'idéalistes aveugles (Pyle), de Français désorienté (Vigot) et de Phuong, orientale légère et déroutante, ineffable papillon. N'oublions pas cette horreur, cette barbarie si humainement et pudiquement décrite de la guerre. L'objectivité n'existe pas, un jour ou l'autre il faudra bien prendre parti..c'est magistralement démontré. Un style remarquable : intrigue, ambiance, amour. Nous voici dans d'épouvantables faits de guerre mais aussi dans les chaudes soirées de Saïgon, j'entends beugler Granger, je sens virevolter Phuong, tous ces personnages si profondément humains, je les aime, comme ils sont. Le livre se referme...j'y étais.

Lectio - - 75 ans - 23 juin 2011


Critique de l'Occident, amer constat d'impuissance 7 étoiles

Pour moi, Un Américain bien tranquille n'a pas pour thème central la Saïgon de la fin du colonialisme (à mon sens, sur ce sujet, mais dans une autre ville, il faut lire Malraux dans La condition humaine). Ce que j'y ai vu, c'est la nécessaire difficulté de s'engager, d'être conscient de ses actes et de leurs répercussions.
Pyle, un jeune Américain bien sous tous rapports débarque à Saïgon en pleine débâcle française, avec ses idées tout droit lues d'un bouquin, avec sa supériorité bien pensante. Il s'attache aux pas d'un reporter britannique désabusé et cynique, chantre de la neutralité, Fowler, et tombe amoureux de la compagne de celui-ci.
Le roman débute sur la mort de Pyle, et va s'attacher aux événements qui ont irrémédiablement conduit Fowler à s'engager, bien involontairement.
Entre Pyle et Fowler, Graham Greene montre des figures d'occidentaux sur fond de décolonisation. Qu'il se veuille simple spectateur ou oeuvrant pour le bien des Orientaux, la non action comme l'action des occidentaux sont à côté de la réalité orientale.

Vda - - 49 ans - 18 juin 2008


Du côté de Saigon 9 étoiles

Je viens de découvrir Graham Greene avec "Une saison des pluies", et je suis complètement conquis par l'auteur. Avec celui-ci je passe de l'Afrique à l'Asie : cette fois c'est Saigon, l'Indochine en plein guerre et à la fin de l'époque coloniale qui est le cadre du récit. Et c'est Saigon le personnage principal comme le résume si bien Tistou.

On retrouve un récit désabusé, avec un héros (un anti-héros en fait) cynique, du genre qui en a trop vu, qui a perdu son idéal et le reconnait sans complaisance. Il cherche l'amour afin de fuir la solitude, une solitude qui le terrifie (comme elle terrifie tout le monde d'ailleurs). Mais sous les sarcasmes on trouve un fond d'humanité, comme si l'auteur ne pouvait pas s'empêcher d'aimer ses personnages, et à travers eux l'humanité, malgré tout le mal.

Ce roman est passionnant, la cadre, l'ambiance et l'histoire, tout cela concourt à procurer un grand moment de lecture.

Saule - Bruxelles - 59 ans - 20 mars 2008