Le brodeur
de Bianca Joubert

critiqué par Nathavh, le 5 novembre 2017
( - 60 ans)


La note:  étoiles
Le brodeur
C'est parti pour "Québec en novembre", à la découverte d'auteurs québécois.. Je vous propose de découvrir le premier roman de Bianca Joubert. J'avais beaucoup aimé le second "Le léopard ne se déplace pas sans ses taches" lu l'an dernier. Direction le Sahel, le Burkina Fasso.

La narratrice qui s'adresse à nous à la première personne arrive pour un séjour de coopération dans un village de brousse à Bokin, elle nous emmène avec elle à la rencontre des habitants et des traditions du Sahel.

Le livre se partage en deux parties. Dans la première, Bianca Joubert nous propose à travers de courts chapitres de nous imprégner de la lumière du Sahel et du village de Bokin, de la générosité des habitants vivant dans un grand dénuement par rapport à notre mode de vie et notre société de consommation, des paysages enchanteurs à la terre rouge craquelée attendant que la pluie tombe. Elle nous invite à boire un thé autour des cendres du charbon, à regarder la télé avec une quarantaine de villageois tous pressés autour de la boîte magique..

Elle s'imprègne peu à peu du village, de ses habitants, des us et coutumes malgré la barrière de la langue. Elle nous parle de la polygamie, des femmes, de la religion mais aussi beaucoup de la sorcellerie et des fétiches très présents.

Elle vit au rythme de là-bas, s'intégrant et s'attachant de plus en plus à ce pays où plane encore l'ombre du Président Thomas Sankara assassiné en octobre 1987, il reste le symbole de la jeunesse.

Un homme la charme et la séduit, elle passe beaucoup de temps avec lui, il nous conte son métier, c'est le brodeur.

Dans la seconde partie, la narratrice est de retour au Québec depuis deux ans lorsqu'un messager, Salaam, vient à sa rencontre pour lui raconter son long voyage et l'histoire du brodeur. Bianca Joubert apporte ici un regard plus politique, plus journalistique en s'intéressant à l'immigration, à ce qui pousse le peuple à fuir le régime, à la répression et aux assassinats du pouvoir qui a commandité la disparition brutale de Thomas Sankara. aux conditions de voyage et la difficulté de trouver refuge ailleurs. Il faut dire que trente ans plus tard le peuple attend encore la justice.

Avec beaucoup de charme et de poésie, Bianca nous livre ici une écriture claire et lumineuse. C'est visuel, elle nous propose un vrai voyage.

Un premier roman très réussi.

Ma note : 8.5/10

Les jolies phrases

L'époque où j'ai appris que les battements du coeur sont la seule vraie mesure du temps.

L'élégance des gens d'ici, malgré le rude travail, la rareté de l'eau, la terre rouge qui vole sous les roues des mobylettes et envahit tout, me fascine.

Je me demande en pédalant si ceux qui n'ont pas de transistor, ne savent pas lire les journaux et côtoient rarement la télévision sont plus à l'abri des catastrophes du monde.

Dans le dénuement, j'ai trouvé l'abondance. A la différence que je peux, moi, repartir quand je le veux.

Ce qui est inachevé reste pour toujours merveilleux. Inépuisable. C'est ce qui m'a pris : l'envie de laisser cet amour sous verre, pour qu'il respire de lui-même, pour ne jamais le perdre dans la lassitude.

La grande traversée qui m'attendait, cette fois, c'était le passage non seulement d'une rive à une autre, mais d'une vie à une autre.