Voyage atlantique: Journal de voyage
de Ernst Jünger

critiqué par Vince92, le 6 janvier 2023
(Zürich - 46 ans)


La note:  étoiles
Observateur attentif
Ce livre est un recueil de cinq récits de voyages effectués par Ernst Jünger entre les Première et Seconde Guerres mondiales. L'auteur des Orages d'aciers s'y révèle comme un fin observateur, un amoureux de la vie, versé dans l'art de la contemplation plutôt que dans celui de l'action. A l'occasion il se révèle à travers sa langue très imagée et érudite un véritable poète. S'adonnant à sa passion de la chasse subtile (à savoir la collecte et l'observation d'insectes) ou à l'étude minutieuse de la flore indigène, Jünger montre combien il est un auteur complet: pouvant se révéler pertinent dans l'étude des idées politiques, comme romancier ou diariste.
Les trois premiers de ces voyages sont consacrés à des pérégrinations en Méditerranée: Printemps d'îles (Mer Egée, 1938), Coquille d'or (Sicile, 1929), Séjour dalmate (Côte dalmate, 1936). Dans le quatrième, Jünger relate son voyage brésilien, retour via les Canaries (Voyage atlantique, 1936) tandis que le dernier, Myrcun, est un échange de lettres entre lui et un correspondant inconnu (A noter que l'édition de la Table ronde est minimale... pas de préface, de mise en contexte, etc... le texte traduit et voilà tout) alors qu'il demeure en Norvège.
Il peut y avoir dans ces divers récits de voyage des longueurs qui paraîtront rébarbatives à plus d'un mais si le lecteur parvient à dépasser cette impression d'immobilité et de torpeur parfaitement rendues, toute la beauté de la langue admirablement traduite en français par Yves de Chateaubriant apparaîtra. L'amour que Jünger porte à la vie apparaît pleinement dans ses descriptions animales, c'est un véritable admirateur de la création terrestre auquel nous avons affaire ; son style se déploie parfaitement dans cet exercice délicat qu'est le récit de voyage.
Je ne cherchais pas malheureusement exactement cela en ouvrant ce livre mais plutôt une relation des moeurs des habitants des contrées traversées. Il y a un peu de ceci mais ces descriptions culturelles et sociologiques représentent la portion congrue du texte (Myrcun étant à ce titre largement le plus intéressant)
Bien que ce livre ait été un bon moment de lecture, j'imagine que son public se résumera aux inconditionnels de l'auteur et à tous les amoureux de la précision de la langue.