Hermann Hesse, poète ou rien
de François Mathieu

critiqué par Vince92, le 16 octobre 2022
(Zürich - 47 ans)


La note:  étoiles
Une biographie éclairante
Hermann Hesse, prix Nobel de littérature 1946, est un personnage important du paysage littéraire du XXè siècle même s'il me semble qu'il n'est pas très connu en France. La preuve est que son public francophone ne dispose que de cette seule biographie sortie il y a seulement dix ans, écrite par un auteur germaniste qui se consacre avant tout à des travaux de traduction. Je veux dire que l'université ne semble pas très intéressée par ses travaux tandis que le monde anglo-saxon a produit de multiples ouvrages sur cet auteur.
Les relations qu'Hesse entretenait avec la France étaient assez relâchées en vérité. La biographie de François Mathieu ne mentionne que deux auteurs: Romain Rolland, dont la proximité idéologique, liée au pacifisme est évidente et André Gide qui, selon Hesse, est le Français de son temps le plus intéressant (la citation est approximative mais l'idée est là). À part son pays de naissance, l'Allemagne, et son pays d'adoption, la Suisse, c'est vers l'Orient et plus particulièrement l'Inde que se porte l'attention d'Hermann Hesse. Et déjà l'empreinte de son histoire familiale se fait sentir: issu d'une famille de missionnaires piétistes qui a installé des dispensaires en Inde, Hesse a sans aucun doute subi une influence très importante de ce point de vue, surtout de la part de son grand-père paternel, polyglotte et intéressé au monde sud-asiatique. Toute sa vie et la grande partie de son oeuvre vont être marquées par cette période charnière qu'est la fin de l'enfance et le début de l'adolescence. Le jeune Hesse va mal et on craint tellement pour sa santé mentale qu'il va être à plusieurs reprises interné. Une santé mentale fragile qui s'accompagne de troubles de la personnalité au point qu'il consulte des psychiatres (Jung lui-même, le professeur Lang surtout), troubles qui l'accompagneront toute sa vie, et qu'il retranscrit merveilleusement dans son chef d'oeuvre qu'est Le Loup des steppes.
Hesse s'est nourri largement de cette période intense de l'adolescence pour donner des romans d'initiation (Peter Camenzid, Demian, l'Orniere, Narcisse et Goldmund) qui mettent en lumière des jeunes gens confrontés aux choix qui s'imposent au moment de décider quelle sera la direction qu'ils veulent donner à leur vie. On retrouve cette problématique au coeur de l'existence de Hesse. Bridé par une famille piétiste qui met la religion au coeur de sa vie, Hesse aspire à autre chose, lui qui ne parvient pas à se décider pour un métier mais qui parvient cependant à trouver sa vocation en publiant des livres: Peter Camenzind sera son premier succès, un roman, lui qui se destinait ouvertement à se consacrer a la poésie.
Francois Mathieu, même s'il n'est pas universitaire permet grâce à ce gros livre de dissiper un peu le "mystère Hesse", celui d'un auteur parfois hermétique et qui puise son inspiration dans son expérience et dans les mythes de la vieille Europe ou les traditions du lointain Orient.