L'art de vieillir
de John Cowper Powys

critiqué par Sahkti, le 11 mai 2004
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Apprendre à vieillir et à mourir
Une de mes compagnes d’hôpital a, un jour de traitement, longuement disserté sur la grande question de la vie, à savoir apprendre à mourir. Vaste interrogation, il semble ne pas exister de recette miracle. Un jour "noir", je repris le débat avec mon médecin, habitué aux angoisses de ses patients et conscient que la jeunesse du malade et la proximité de la mort à venir ne font pas bon ménage. De fil en aiguille, nous avons donc parlé de la vieillesse et de la sagesse que celle-ci apportait peut-être face à l’issue fatale. Quelques jours plus tard, je reçus de sa part cet ouvrage dans ma boîte aux lettres. Avec une petite dédicace me rappelant que l’âge vénérable de John Cowper Powys au moment de mourir (91 ans) lui avait sans doute permis de réfléchir à la question.

Oserais-je dire que cette lecture salutaire me semble indispensable à chacun ? Mais comment offrir un tel ouvrage à plus âgé sans crainte de le vexer… là est un autre débat.
John Cowper Powys fait preuve d’une sagesse et d’une lucidité édifiante. Le but est d’arriver à exploiter de manière positive et enrichissante l’incontournable obligation du vieillissement.
A l’aide de citations et de textes d’autres auteurs, Cowper Powys livre ses réflexions et ses pensées sur le sujet. Vieillir, c’est avant tout devenir un peu égoïste, se faire plaisir, profiter des beaux moments grâce à la faculté qu’ont les plus âgés de relativiser les grandes errances du monde ou les perpétuels combats. L’utilitaire est une chose, le conflit des générations en est une autre, l’important est de saisir le bonheur qui passe. En lisant cela, je me dis que cette notion ne s’applique pas qu’aux plus vieux mais devrait être valable pour tout le monde, c’est sans doute là que se trouve la clé de l’apaisement. L’homme spirituel prend le pas sur l’homme charnel, il s’agit d’une transformation destinée à nous faire prendre conscience de la servitude au temps qui passe et à en tirer une édification qui, si elle est bien menée, permet d’accéder plus sereinement au chemin qui conduit vers la mort.

Loin d’être assommant ou théorique, cet essai de Cowper Powys regorge de conseils amusants et de leçons de vie qui font sourire. L’auteur conseille par exemple fortement le sexe aux personnes d’âge mur (ça fait un bien fou) et estime que l'on se sent mieux dans une maison "possédant encore une édition des Essais de Macaulay et des pommes artificielles sous cloche". Réparties en treize chapitres, les idées de l’auteur veulent révolutionner l’idée que l’on se fait de la vieillesse et du comportement qu’on pense devoir adopter lorsqu’on entre dans cette catégorie. Cri du cœur de John Cowper Powys, il faut changer tout ça ! A commencer, entre autres, par les magazines que chacun lit le soir dans son lit et qu’il convient de s’échanger. Nous avons "l’obligation fondamentale de nous forcer à prendre du plaisir" s'il le faut, au diable l’ascétisme des décennies précédant la rédaction de cet ouvrage (il fut terminé en 1944, après quatre années de guerre en Angleterre pour Cowper Powys, il y avait chez lui l’envie de dépoussiérer la société vieillissante).

Qu’est-ce que la vieillesse pour l’auteur ? Le plaisir d’être toujours vivant. La proximité de la fin remet les éléments à leur juste place, nous pouvons donc en profiter différemment. Et mieux, certainement.