Autour des trônes que j'ai vus tomber
de Louise de Belgique

critiqué par Alceste, le 17 septembre 2017
(Liège - 63 ans)


La note:  étoiles
Fille de Roi je suis, fille de Roi je resterai
L’avenue Louise est certainement la plus connue et la plus prestigieuse des artères bruxelloises, mais qui connaît vraiment celle à qui elle doit son nom, la Princesse Louise de Belgique (1858-1924), fille de Léopold II ? Qui peut imaginer derrière ces titres illustres la vie ingrate qu’a connue celle à qui tout souriait à la naissance ?

Au soir de cette vie, la Princesse elle-même prend la plume et, sous un titre un peu pompeux, qui annonce déjà un caractère dramatique, fait état de souvenirs qui se révèlent parfois ahurissants.

Le récit commence par les années lumineuses, celles de l’enfance, de l’éducation sévère mais juste, des promenades dans les différents coins de Belgique, qui restera toujours chère au cœur de la Princesse Louise. La mort du jeune prince Léopold, espoir de la succession dynastique, viendra assombrir le climat familial, rendant la Reine Marie-Henriette inconsolable et le Roi, déjà distant, presque indifférent à sa fille. Elle tiendra cependant à dédier l’ouvrage à son père, et jusqu’au bout formera des vœux pour que la personnalité du grand Roi soit reconnue. Plût au ciel qu’elle n’ait pas eu vent des opinions actuelles sur Léopold II…

Mais une Princesse royale doit suivre un destin imposé : se marier. C’est là le début de la suite de malheurs dans la vie de la Princesse Louise. À 17ans, elle épouse le Prince Philippe de Saxe-Cobourg, âgé de 31 ans. À mots couverts, elle fait comprendre que ce prince débauché a sali sa jeunesse. Elle décrit le palais de Cobourg, à Vienne, où elle est emmenée, comme une prison même pas dorée. Au-delà des incompatibilités d’humeur avec son mari, sa vie de Princesse lui donne l’occasion de fréquenter les principales cours d’Europe avant la guerre 14 -18 et en cela son témoignage est captivant. Et on ne peut pas dire que les propos qu’elle tient soient toujours admiratifs. Elle se montre peu amène pour l’Empereur François-Joseph, jugé faible et sans envergure, ainsi que pour Guillaume II, bouffi d’ambitions et bien responsable de la guerre qu’il a menée. Quant à Ferdinand de Saxe-Cobourg, son beau-frère, elle retrace son parcours pour le moins folklorique, puisqu’il devient Tsar de Bulgarie, sans renoncer à sa passion pour le satanisme. De la Reine Victoria elle dresse un portrait à la fois pittoresque et élogieux. L’Impératrice Élisabeth lui inspire des souvenirs émus, eu égard à sa beauté et à son esprit.

Mais les vraies épreuves commencent avec la fin du mariage. Après la séparation, la Princesse demande le divorce, ce que son mari ne peut accepter : il serait privé de l’immense héritage du roi des Belges qui lui échoirait par son mariage. Gagné à sa cause, l’Empereur ferme les yeux sur le projet du Prince de Cobourg : faire interner son épouse comme démente.

Et ce sont des épisodes rocambolesques qui sont narrés ici, par celle qui les a vécus : le guet-apens de la police impériale, l’enfermement dans un asile, l’étroite surveillance des infirmières et des médecins, les alertes dans la presse, l’aide d’un Comte qui deviendra chevalier-servant pour faire évader la Princesse et finalement la liberté retrouvée et la bonne santé mentale établie. Il est à noter que pendant toutes ces misères, la famille royale belge ne se manifestera d’aucune façon.

De retour à Vienne, les ennuis vont reprendre avec la déclaration de guerre. En effet, au cœur des Empires centraux, la position d’une Princesse de Belgique, dont le pays soutient l’Entente, est particulièrement inconfortable. À nouveau, il faut fuir, se réfugier en Hongrie, où la famille a des accointances, et là-bas, se faire arrêter par des Bolcheviques et implorer leur pitié.

Entre temps, il y aura eu le décès du Roi, et la question délicate de son héritage, où la Princesse devra de nouveau se battre.

Bien sûr ce récit ressemble souvent à un plaidoyer pro domo compte tenu des nombreuses avanies que la Princesse a eu à subir, mais je me garderai bien de prendre position ici, me contentant de faire le compte rendu de l’ouvrage. Je renverrai ceux qui veulent en savoir davantage sur le dossier à l’ouvrage de critique historique d’Olivier Defrance « Louise de Saxe-Cobourg, amours, argent, procès ».

Même si la Princesse se plaint d’une relative inculture littéraire, il faut souligner l’exceptionnelle qualité d’écriture de ces mémoires. Dans ses tableaux de la vie de cour et ses opinions tranchantes, on croirait lire Madame de Lafayette racontant les intrigues autour d’Henri II. Les épisodes plus animés ressemblent aux récits alertes de L’Abbé Prévost. À se demander si un prête-nom de se cache pas derrière tout cela. Mais qui, en 1921, gagnerait à mettre sa plume au service d’une Princesse critiquée, voire oubliée ?