Songe à la douceur
de Clémentine Beauvais

critiqué par Fanou03, le 30 août 2017
(* - 49 ans)


La note:  étoiles
Les vertiges de l'amour sont intemporels
Plusieurs années après l’avoir éconduit de manière brutale alors qu’elle n’était qu’une jeune adolescente, Eugène recroise Tatiana par hasard. Ce sont les mystères de l’amour : la Tatiana d’aujourd’hui fait forte impression sur Eugène qui va tomber, à son corps défendant, dans les affres de la passion. Mais la jeune femme, qui garde en mémoire la dure leçon servie par Eugène quelques années auparavant, est-elle prête de son côté à céder aussi facilement ?

Voici donc Songe à la douceur, un écrit de Clémentine Beauvais, le nec plus ultra de la fan-fiction pourrait-on dire : le roman, directement inspiré d'Eugène Onéguine de Pouchkine, en propose une ré-écriture, moderne et inattendue, à Paris dans les années 2000 en même temps qu’un bel hommage à l’œuvre originale.

Le parti pris de Clémentine Beauvais n’allait pas forcément de soi mais l’aisance de la jeune auteure fait de cette adaptation une vraie réussite. Mettant au goût du jour, sans sourciller, les émotions et les épanchements des jeunes gens dans le contexte du vingt-et-unième siècle (Eugène googlise par exemple Tatiana pour en savoir plus sur elle, après l'avoir revue pour la première fois !) elle équilibre de façon très judicieuse le récit avec beaucoup d’humour ainsi que le romantisme qu’on attendait d’une histoire d'amour malheureuse. Comme le fond, la forme est aussi inspirée directement de l'original. Dans un style fluide et très accessible, Clémentine Beauvais n’a pas hésité en effet à versifier, se fendant même au passage de quelques calligrammes, ce qui rehausse encore le romantisme ambiant et met bien en avant la question du pouvoir des mots, à l’image par exemple du personnage de Lensky, être sensible et littéralement habité par la poésie.

Comme je l’ai dit, grâce à l'humour le récit reste léger, malgré un sentiment de gravité qui sourd tout au long (le récit de la mort de Lensky en est pour quelque chose); l’auteure en outre semble se moquer un peu d’elle-même, dévoilant ses artifices de créations littéraires, quand elle intervient en tant que narratrice omnisciente, jugeant ses personnages, leur faisant la leçon de morale, exprimant peut-être aussi les pensées qu’elle eut en tant que lectrice quand elle découvrit Eugène Onéguine.

Songe à la douceur se suffit presque à lui-même : même quand on ne connaît pas l’œuvre initiale de Pouchkine (ce qui est mon cas à l'heure où j'écris ce commentaire) j'ai pris beaucoup de plaisir (malgré quelques passages peut-être un peu bavards et un lectorat cible qui reste sans doute les adolescents) à lire ce court roman, qui rappelle que les vertiges de l'amour sont intemporels.
Perle 8 étoiles

La critique principale a très bien résumé et reflété l'esprit de ce roman.
Je rajouterai que le visuel y est très important, avec des calligrammes et une mise en page particulière. C'est un vrai voyage entre l'histoire, les personnages, les mots, les formes... une perle poétique !


"Mon enfant, ma soeur,
Songe à la douceur
D'aller là-bas vivre ensemble"

-Ch. Baudelaire, l'invitation au voyage-

Krys - France-Suisse - - ans - 30 août 2017