Chroniques de Saint-Placide-de-Ramsay : Pompes funèbres suivi de Fonts baptismaux (Fayard Noir)
de François Barcelo

critiqué par Libris québécis, le 30 août 2017
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Autopsie des bleds perdus
Les chroniques villageoises abondent dans notre littérature. Ce n’est pas nécessairement une odeur de sainteté qui en émane quoi qu’en disent les nostalgiques du « bon vieux temps ». Les auteurs tracent souvent un portrait pénible des bleds perdus. Avec son cynisme habituel, François Barcelo relate lui aussi des incidents peu édifiants survenus à Saint-Placide-de-Ramsay, une localité fictive en décrépitude, située à 600 km de Montréal.

C’est avec résignation que les Ramsayens assistent au déclin de leur paroisse, privée de ses jeunes partis s’établir dans les grands centres urbains. Les institutions portent les stigmates de cet exil. Les fonts baptismaux sont fendillés, le bar de danseuses nues a laissé place à un troquet miteux, qui a perdu la moitié des néons de son enseigne. Le curé et le croque-mort parviennent difficilement à boucler leurs budgets. Plus de mariages ni de baptêmes pour remplir les coffres de la fabrique et pas plus de funérailles puisque les vieux s’entêtent à mourir centenaires.

Pour le plus grand plaisir du lecteur, François Barcelo saute avec indécence sur la déconvenue du monde rural, force vive du Québec de jadis. Derrière l’écran de la dignité, l’auteur s’amuse à débusquer le comportement paradoxal des notables. L’angle choisi s’ajuste à la lente agonie du village. La finalité constitue la thématique des deux romans noirs qui composent les chroniques de Saint-Placide. En fait, ce sont de longues nouvelles policières. Tant qu’à mourir, il faut réussir sa mort, faute de réussir sa vie. Pour respecter cette consigne de Heidegger, les héros s’emploient à faciliter l’atteinte de cet objectif auprès de leurs concitoyens.

François Barcelo a trafiqué un suspense loufoque pour introduire le destin tragique de quelques Ramsayens responsables d’avoir terni l’estime de soi de quelques citoyens au-dessus de tout soupçon. Qui pourrait imaginer leur conduite meurtrière ? L’auteur s’applique à démontrer qu’elle s’avère quand l’honneur est en jeu. Comme dans Cadavres, il ironise nos travers camouflés sous le couvercle de la respectabilité, et les institutions reflétant l’image crapuleuse de ceux qui les dirigent. Malgré le caractère primaire des personnages enclins à la vengeance se profile une volonté de construire un monde meilleur. Son requiem polyphonique convient bien à cette autopsie satirique, pratiquée avec un humour cependant moins magique que dans les premières œuvres de ce conteur.