Napoléon et la guerre d'Espagne 1808-1814
de Jean-Joël Brégeon

critiqué par Falgo, le 22 août 2017
(Lentilly - 85 ans)


La note:  étoiles
Excellent
Jean-Joël Brégeon s'est penché en historien sur une aventure napoléonienne dont les français ont peu gardé la mémoire. Mais il l'a étudiée de manière beaucoup plus large que la seule restitution de manoeuvres guerrières. Il a en effet retenu trois angles de vue différents. Le premier est celui de l'optique de Napoléon. Pourquoi a-t-il voulu conquérir l'Espagne?: lutte contre l'Angleterre, recherche d'un territoire supplémentaire à administrer, apport de la démarche des Lumières à un peuple attardé. Le deuxième est celui de l'Espagne et du Portugal: affrontements entre les tenants des lumières et ceux d'une monarchie traditionnelle, poids de l'Eglise et de ses traditions morales et de pouvoir, réactions populaires à l'envahissement par une nation étrangère aux armées trop souvent violentes; le tout se mélange dans un salmigondis indécis et complexe dans lequel Napoléon ne comprend pas grand chose, de même que son frère Joseph, éphémère roi d'Espagne inconstant et inefficace empêtré dans les puissantes querelles opposant les divers maréchaux de l'Empereur. La fin de l'aventure est le rétablissement sur le trône de Ferdinand VII, monarque dont les choix ont fait perdre à l'Espagne toute chance de se moderniser pendant le XIX° siècle. Le troisième est constitué par le récit des affrontements entre les diverses armées en présence et le rôle majeur de la "guerilla" dans le final succès espagnol.
Si les français n'ont pas conservé la mémoire de ces années, les espagnols, eux, l'ont fait. En témoignent trois livres consacrés à cette période par le romancier Arturo Perez-Reverte: "Cadix, ou la diagonale du fou" a pris pour cadre le siège de cette ville par les français; "Le hussard" montre les affres rencontrées en rase campagne par les soldats de l'armée française; "Un jour de colère" restitue le 2 mai 1908, jour où le peuple de Madrid s'est révolté contre l'occupation française et la terrible répression qui en est suivie. Et c'est sur ce dernier événement que je veux insister. Ce jour-là, probablement, le peuple espagnol a montré pour la première fois son patriotisme. Il s'agit sans doute de la racine des soubresauts qui ont affecté l'Espagne jusqu'en 1936 et forgé le pays actuel. Ce n'est pas rien.