Adieu à Terminus, réflexions sur les frontières d'un monde globalisé
de Joëlle Kuntz

critiqué par Sahkti, le 3 mai 2004
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Géopolitique des frontières
Terminus est le dieu des frontières chez les Romains. Le voici au bord du chômage. En effet, les guerres de conquête du territoire sont terminées, tout a déjà été pris et partagé et une ultime charte des Nations-Unies interdit désormais la conquête quelle qu'elle soit.
Pauvre Terminus pourrait-on penser... Taratata ! Jamais sans emploi Terminus ne sera !

On a démoli le mur de Berlin ? Pas grave, on va en reconstruire un en Palestine ! L'Union européenne s'agrandit et brise les anciennes frontières ? Ce n'est rien, de nouvelles seront créées à la sortie du territoire (ô Turquie qui attend patiemment...). D'ailleurs, en parlant d'Europe, jamais les nationalismes n'ont été aussi grands au sein même d'un Etat immense où chacun est supposé valoir l'autre. Paradoxe qui veut que lorsque les hommes se rapprochent physiquement, ils se séparent intérieurement.
Est-il possible de vivre sans frontières ? Surtout à l'heure de la globalisation ? Les limites ne seraient-elles pas en quelque sorte un moyen détourné de lutter contre cet universalisme qui ronge tout sur son passage ?

Journaliste, franco-suisse (une mince rivière sépare les deux pays, dans son village natal), Joëlle Kuntz connaît bien le problème des frontières pour les avoir souvent traversées et pour les vivre au quotidien.
"Je saute sur les pierres qui font un passage. Un pas à gauche, c'est la Suisse, le monde de la Suisse, la mère, l'école sévère où il faut écrire en script, ne pas arriver en retard; un pas à droite, la France, le beurre moins cher, l'écriture souple et liée dans le cahier scolaire, des cousins, des grands-parents, smala pleine de ragots et d'histoires. En équilibre sur la pierre du milieu, je joue à deviner de quel côté mon corps va tomber..."

Sa thèse est audacieuse et pourtant limpide : les frontières ne sont pas responsables de nos difficultés, elles sont le prétexte et non la cause de nos querelles.
L'occasion de rappeler l'article 2 de la charte des Nations unies décrétant "qu'il est interdit de conquérir un territoire par la force". Et de dire aussi que la Terre est partagée entre 193 Etats qui se sont appropriés, d'une manière ou d'une autre, toute sa surface.
A propos des nationalismes 7 étoiles

Ce livre soulève indiscutablement d'importants problèmes ! Ferions-nous-nous marche arrière ?... Au moyen-âge Gand a passé son temps à faire la guerre à Bruges et Bruges à Ypres et Ypres à Courtrai, comme Florence à Sienne, Milan à Florence etc.

Voilà l'Europe à 25 et il est un fait qu'elle entraîne chez beaucoup une sorte de repli sur lui-même. Mais il y a 35 ans, alors que je m'arrêtais à Lille sur la route vers la côte d'Azur, à laquestion "Où allez-vous ?" je m'entendis répondre "A la côte d'Azur ? ... Chez les Africains ?... Nous, ici, nous sommes bien plus proches des flamands !"

Il est évident qu'au plus l'ensemble est grand, au plus chacun a tendance à s'accrocher à son clocher, à son identité la plus directe que le politique dilue dans un ensemble trop vaste pour l'individu.

Et pourtant, pouvons-nous nier que l'ensemble des habitants de l'Europe, malgré des langues différentes et des habitudes différentes, partage bien un tronc culturel commun ?...

L'américain aussi partage une identité commune et pourtant le Texan et le New Yorkais sont bien loins de se comprendre et de s'apprécier ! Mais ils sont tous d'accord pour faire bloc dès que l'on parle de la "nation" américaine.

Ces vastes ensembles permettent aussi à certains petits états de se sentir bien plus en sécurité, de voir leurs indentites respectées. L'Europe unie aurait été faite en 1900 la guerre 14 n'aurait peut-être pas éclaté par d'incessants conflits dans les balkans.

Jules - Bruxelles - 80 ans - 3 mai 2004