Dame en rouge sur fond gris
de Miguel Delibes

critiqué par Cyclo, le 21 juillet 2017
(Bordeaux - 78 ans)


La note:  étoiles
hymne à la femme aimée
En lisant le roman d'Ángeles, la "Dame en rouge sur fond gris", on découvre un admirable portrait de la femme aimée que la maladie a trop tôt (elle a quarante-huit ans) enlevée à l’affection de son époux et des siens. Celui-ci, peintre célèbre, a vu alors tarir sa créativité, il s’est mis à boire et à déprimer. En cette fin du franquisme, deux de leurs enfants, Ana et Leo, ont été arrêtés, ce qui a peut-être contribué à développer une tumeur au cerveau chez leur mère. C’est le peintre et mari qui se fait le narrateur de cette fin de vie ("soyons juste, sa capacité à me surprendre est peut-être ce qui m’a séduit chez elle, ce qui au fil des ans a fait de moi un amoureux tenace"). C’est donc à la fois un hommage à la femme aimée, et une sorte d’exorcisme, qu’il raconte en confidence à Ana, fraîchement sortie des geôles après la mort du dictateur et qui n’a donc pas connu la fin tragique de sa mère. "Ce long monologue, classique dans sa retenue, bouleversant par la délicatesse du trait, évoque le mystère d’un être dont l’éclat, la beauté, l’élégance morale, illumine l’existence de ses proches, transforme la grisaille des jours – et jusqu’au goût âcre de la maladie – en d’inépuisables leçons de vie", note l’éditeur sur la quatrième de couverture. Et, en filigrane, bien sûr, le franquisme.

Miguel Delibes, dont j’avais beaucoup aimé "L’hérétique", son gros roman historique sur la pénétration du protestantisme dans l’Espagne du XVIème siècle et sa répression impitoyable par l’Inquisition toute-puissante, s’empare ici de la plume de son héros, le peintre déchu, pour peindre le deuil, pour peindre l'aimée, l’infatigable muse peut-être, celle qui "par sa seule présence allégeait le poids de la vie", comme tous, proches et amis, le reconnaissaient. Comme toujours, le narrateur regrette de ne pas avoir dit combien il aimait, quelle force elle lui avait donnée, peut-être justement celle de créer. Le tableau qui donne le titre au livre est un portrait d’Ángeles fait par un autre peintre, et le narrateur a "ressenti de la jalousie pour ce tableau, pour ne pas avoir su le peindre moi-même, parce que c'était un autre qui l'avait saisie dans toute sa splendeur". Et, au fond, c’est par les mots qu’il nous donne à voir sa femme aimée, morte avant d’avoir été abîmée par le flétrissement de la vieillesse. Hymne, chant d’amour dédié à une âme forte, cet hommage intime m’a beaucoup touché, bien sûr, puisque j’ai connu semblable drame.
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Mais je ne sais si j’aurais su le restituer avec autant de perfection, de tranquillité d’âme et de grandeur. Un bien beau livre...
Une belle découverte 8 étoiles

Difficile de mieux décrire ce livre que ne l’a fait Cyclo dans la critique principale.

J’ajouterai juste cette citation :
«Elle pensait que le vice ou la vertu de la lecture dépendait du premier livre. Celui qui parvenait à s'intéresser à un livre devenait inévitablement esclave de la lecture. Un livre te renvoie à un autre livre, un auteur à un autre auteur car, contrairement à ce qu'on dit, les livres ne résolvent jamais tes problèmes, ils en créent de nouveaux, de sorte que la curiosité du lecteur n'est jamais satisfaite.»

Ludmilla - Chaville - 69 ans - 19 mai 2019