Les Lumières de Bullet Park
de John Cheever

critiqué par Nirvana, le 2 mai 2004
(Bruxelles - 52 ans)


La note:  étoiles
Une savoureuse dissection de "l'American Way of Life" !
Célèbre auteur de nouvelles qu'il écrivit pendant des années pour le New Yorker, récompensé en 1978 par le prix Pulitzer pour l'ensemble de son oeuvre, John Cheever (1912-1982) nous livre ici une excellente description de la vie de banlieue aux Etats-Unis, qui semble à première vue si lisse et convenable, mais qui révèle parmi ses habitants des névrosés de tous crins.
Le roman se découpe en trois partie.
La première nous présente Eliot Nailles, chimiste de formation, mais qui doit commercialiser avec honte un produit luttant contre la mauvaise haleine.
Il a une femme, Nellie, ménagère désoeuvrée et séduisante qui reçoit régulièrement les avances de ses voisins, un fils, Tony, et un vieux chien. Il va consciencieusement à l'Eglise chaque dimanche avant de visiter sa vieille mère hospitalisée en maison de santé et aime également rythmer sa journée de quelques verres.
Pour citer l'auteur:
"L'amour qu'il éprouvait pour sa femme et son fils unique ressemblait à quelque écoulement inépuisable d'un fluide ambré translucide qui les aurait enveloppés et recouverts, les protégeant et les préservant tout el les laissant visibles, comme le contenu d'une gelée".
Mais les rouages impeccables de cette vie si bien organisée vont s'enrayer le jour où Tony se réveille un matin, envahi par une telle tristesse qu'il ne peut quitter son lit.
Le bonheur des Nailles va se réveler alors plein de failles, et les parents émus iront jusqu'à s'adresser à un gourou pour soigner leur fiston chéri.
La deuxième partie nous présente Hammer, nouvellement établi dans la ville.
Enfant illégitime, il a été laissé à la garde de sa grand-mère à trois ans, par une mère inconstante qui préfère mener la grande vie loin des Etats-Unis.
Des années plus tard, il la retrouve pour une brève rencontre, et le plan qu'elle lui dresse pour réveiller cette Amérique sans morale devient le sien propre: s'intégrer dans une ville de banlieue, et crucifier un de ses dignes représentants sur la porte de l'Eglise!
Nous accompagnons alors Hammer dans l'évocation de sa vie, jusqu'au moment où il nous livre le nom de la victime qu'il s'est choisie.
La dernière partie nous montrera comme Hammer conçoit son plan et réunira abruptment les principaux portagonistes de l'histoire.
C'est merveilleusement bien écrit, cynique, avec un humour caustique qui se retrouve dès l'énoncé des noms des principaux acteurs du roman (Nails:clous et Hammer: marteau.-ce qui nous laisse pressentir de leur destin lié).
J'ai beaucoup aimé l'épisode où Tony décide de ramener au déjeuner dominical la veuve chez qui il a passé la nuit, avec son père qui comprend immédiatement la situation et sa mère qui ne capte rien, ainsi que l'épisode du gourou.
Voici un auteur que j'ai découvert avec jubilation et je ne m'arrêterai pas à ce seul roman, c'est sûr!