La Petite Fille à la robe mauve
de Paule Doyon

critiqué par Libris québécis, le 5 juillet 2017
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Une fillette résiliente
Rien de plus mignon qu'un enfant de cinq ans. Sa candeur et ses mots d'esprit nous font craquer et, encore plus, quand il se lance dans nos bras avec une confiance sans bornes. C'est fin un enfant. Jean-Jacques Rousseau l'a dit. Mais hélas! Les adultes qui l'entourent mériteraient parfois d'aller à genoux dans le coin. Qui montre aux enfants à mentir? Les adultes. Qui leur apprend des gros mots? Les adultes. Qui? Qui? La réponse est toujours la même. Ils sont les reflets de ce que nous sommes. Il y a évidemment des exceptions qui confirment la règle.

La petite héroïne de cette longue nouvelle de 60 pages vit dans un village caché sous la neige tout l'hiver, mais qui, surtout, sort de sa torpeur quand le train passe. La voie ferrée est l'élément qui suscite le plus la curiosité de la fillette. Elle espère un jour prendre le train pour savoir où il va. C'est ce qui l'inquiète. Déjà la grosse question du " où vais-je " à cinq ans! On s'en pose des questions à cet âge. Elles fourmillent davantage quand on établit des rapports entre les liens qui unissent le clan. Dernière de la famille, elle est l'enfant choyée, mais la voilà reléguée aux oubliettes quand survient une nouvelle naissance. Et même plus, elle doit cacher sa poupée pour que le bébé ne défonce pas les tympans de la maisonnée avec ses pleurs pour l'avoir. Ce n'est pas drôle de ne plus être le point d'attraction de la famille. Elle doit se faire grande quand surgit celui qui vient prendre sa place. Pas de rancune, surtout. Il faut être fier du voleur. C'est beaucoup demandé à une enfant de cinq ans. La petite est faite forte. Ses malheurs ne s'arrêtent pas là. Il faut subir les méchants garçons. Il lui faut apprendre à leur céder le passage pour ne pas être importunée. Et les amitiés avec les filles de son âge ne durent ce que durent les roses. Le temps d'un moment. Mais la fillette tire bien son épingle du jeu. Elle trouve toujours quelqu'un d'assez affable pour partager ses jeux, que ce soit un cousin ou un petit voisin, même s'il urine sur sa tête du haut d'une escarpolette.

Le plus dur à affronter, ce sont les adultes. C'est pire que des enfants. D'abord, ils ne disent pas la vérité. Ils ne présentent qu'une idéalisation de la vie. Comment s'y reconnaître? Sans compter leurs injustices, plus flagrantes à l'école. Les bonnes sœurs ont perdu la bonté du cœur en mariant le Seigneur. Elles font marcher les enfants à la baguette. Et gare à ceux qui ne marquent pas le pas. Vlan, un coup de règle sur les doigts que l'on soit coupables ou pas ! C'est dans cette ambiance qu'elle doit affiner ses rapports sociaux. Ce qui compte, c'est de savoir mentir pour éviter les coups. Ainsi déforme-t-on les enfants pour les plier aux jeux des adultes.

En fait, elle s'initie à la vie à travers des modèles à ne pas imiter. Difficile de fixer la frontière du bien et du mal quand on est sensible aux faits de la vie comme la mort et la pauvreté. Malgré tout, elle parvient à vaincre tous les obstacles. On pourrait dire presque seule puisque son père répond aux critères de ceux de l'époque : père manquant, qui ne parvient pas heureusement à produire la suite de l'axiome : fille manquée. Bref, l’auteure raconte l’héritage social de beaucoup d’enfants. Il faut lui savoir gré de ne pas avoir joué au philosophe avec son héroïne.