Couleurs femmes. Poèmes de 57 femmes
de Auteur inconnu

critiqué par Nathafi, le 2 juillet 2017
(SAINT-SOUPLET - 57 ans)


La note:  étoiles
Regards de femmes
"Couleurs femmes" est un instantané photographique de la poésie féminine du moment.
En 2010, à l'occasion du Printemps des Poètes, ce recueil est sorti, en l'honneur des femmes, thème de l'année.
Non pas comme une bannière revendicatrice, mais pour rassembler des poètes femmes francophones de tous horizons, (poétesse étant un mot laid) et découvrir leurs mots, leurs idées, leurs émotions.
On y trouve pour tous les goûts, de la poésie sage à celle qui dérange, de celle qui murmure à celle qui hurle, des bonheurs, des douleurs, des blessures encore ouvertes, des souvenirs enfouis, des instants fabuleux, des regards...

Si nous devons tomber
Que ce soit d'une même chute
Etincelants
Et brefs comme l'oiseau
L'arbre
La foudre (Anne Perrier)


Elle vit, la poésie des femmes de notre temps, à l'instar de celle des hommes, toute aussi mouvementée, variée et évocatrice.
Textes inédits ou extraits d'ouvrages, "Couleurs femmes" dresse un portrait digne et authentique de celles qui jouent avec les mots aujourd'hui et méritent leur place dans le paysage littéraire...
Parti pris ? Non, avis de lectrice simplement, touchée par cette poésie diverse qui s'entremêle et offre un joli assemblage, avis conforté par la préface de Marie-Claire Bancquart.

A découvrir, pour les amateurs de poésie.
DES POÉTESSES, DES POÉTESSES, ENCORE DES POÉTESSES, RIEN QUE DES POÉTESSES… 7 étoiles

«Femme en fleurs»

Femme en fleurs comme un grand châtaigner qui répand ses senteurs puissantes
Tu te dresses sur la campagne, tu flambes de bonnes odeurs, tu prends le soleil et la pluie à tes rameaux chargés de fruits,
Tu es debout sur la colline, le bleu de l’espace et le vent ruissellent sur toi de la bouche aux talons,
les moissons croissent sur tes bras ; la ronde blondeur de tes seins gonfle le temps des récoltes mûres,
et dans ton sein déjà la nuit profonde se fermente ; déjà la grande mer roule sur toi la courbe de ses vagues.

Extrait de «Le chasseur d’ombres», de Marcelle DELPASTRE (1925-1998).

Ceux qui lisent régulièrement mes recensions, et notamment celles d’anthologies de poésie (ici : https://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/56220 et ici p. ex. : https://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/56381), savent que je peste régulièrement contre le fait que si peu de place soit laissée à des poétesses. Loin, très loin de la « parité » ces ouvrages ne laissent qu’une portion congrue à la gente féminine, qui pourtant devrait avoir toute sa place !

Quel ne fut donc pas mon bonheur en découvrant cet ouvrage uniquement dédié à la poésie contemporaine féminine! Marie-Claire BANCQUART (1932-2019) elle-même poétesse, nous propose en effet ici de découvrir les poèmes (la plupart inédits…), de 57 femmes… Attention, il ne s’agit ici en aucun cas de mettre en avant une quelconque écriture spécifiquement féminine, mais de redonner simplement aux femmes la place qu’elles méritent dans le cadre de la création poétique, avec leur parcours parfois atypique mais toujours dense et varié!

Elle nous présente d’abord de nombreuses femmes venus «d’ailleurs» qui ont adopté la langue et la nationalité française comme p. ex. : Vénus KHOURY-GHATA (*1937) ; Nohad SALAMEH (*1947) ou encore Andrée CHEDID (1920 – 2011)… Mais aussi des femmes venues de la francophonie : Anise KOLTZ (*1928) du Luxembourg, Maram AL-MASRI (*1962) de la Syrie, Tanella BONI (*1954) de Côte d’Ivoire, Linda Maria BAROS (*1981) de la Roumanie, Liliane WOUTERS (1930 – 2016) de la Belgique…

L’auteur utilise aussi l’angle de la variété poétique. On découvrira ainsi des poétesses membres de journaux littéraires comme Gabrielle ALTHEN (*1939), de revues comme Béatrice BONHOMME (*1956) ou Françoise THIECK (*1940)… Mais aussi celles qui pratiquent la poésie expérimentale comme Véronique PITTOLO (*1960) ou Sandra MOUSSEMPÈS (*1965), ou bien encore la performance comme Catherine LALANDE (*1974).
Certaines, comme Claude BER (*1948) ou la belge Laurence VIELLE (*1968), mêlent théâtre et poésie, d’autres poésie et chorégraphie comme Édith AZAM (*1973), d’autres encore, comme Esther TALLERMANN (*1947), utilisent vers et prose.
Certaines expérimentent la diversité des ponctuations, et des corps des lettres, comme Hélène SANGUINETTI (*1961), ou Danielle COLLOBERT (1940 - 1978), mais aussi l’apparence très calculée du discontinu, comme Fabienne COURTADE (*1957). Patricia CASTEX-MENIER (*1956), ou Ariane DREYFUS (*1958), proposent-elles une poésie apparemment simple, mais qui se mérite…

«IRIS»

Mais Dieu, surtout pas.
Ne mettez pas de mots vides dans votre bouche,
Hommes, regardez

Iris, malgré le mur,
Debout
C’est votre bleu.

Votre ligne, imaginons
Une plaie vivement recousue.

Votre broderie, sa joie se gonflant,
Quelques secondes d’amour par miracle successives.

Ici,
Du balancement le velours dressé,
Iris.

(Extrait de «Iris, c’est votre bleu» d’Ariane DREYFUS.

Enfin, n’oublions pas que, si de grands poèmes nous sont aujourd’hui accessibles, c’est aussi grâce à de grandes poétesses (présentes dans ce recueil) qui les ont traduits, je citerais ici Martine BRODA qui a traduit Paul CELAN (ici sur CL : http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/45731) ; Valérie ROUZEAU qui a traduit Sylvia PLATH (ici sur CL : http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/45014) et Claire MALROUX (*1935), qui a traduit Emily DICKINSON (ici sur CL : http://www.critiqueslibres.com/i.php/vcrit/56195)

Difficile de finir en choisissant un seul poème, pour illustrer toute cette poésie tellement variée. En effet, comment faite un choix entre la poésie métaphysique de Ghislaine AMON (1951 – 1985) et Francesca-Yvonne CAROUTCH (*1937), la poésie intérieure de la belge Colette NYS-MAZURE (1939), mythique de Sophie LOIZEAU (1966), proche de la nature de la suissesse Anne PERRIER (1922 – 2017), ou encore voyageuse de la québécoise Hélène DORION (*1958)… Finalement j’ai donc choisi la poésie érotique de l’anglaise d’origine égyptienne Joyce MANSOUR (1928-1986)…

«Quel phallus»

Quel phallus sonnera le glas
Le jour où je dormirai sous un couvercle de plomb ?
Fondue dans ma peur ?
Comme l’’olive dans le bocal ?
Il fera froid métallique et laid ?
Je ne ferais plus l’amour dans une baignoire émaillée ?
Je ne ferais plus l’amour entre parenthèses ?
Ni entre les lèvres javanaises d’un gazon de printemps ?
J’exsuderai la mort comme une moiteur amoureuse ?
Cernée assaillie par des visions d’octobre ?
Je me blottirai dans la boue

Extrait de «Prose & poésie»

Septularisen - - - ans - 24 septembre 2019