Fugato
de André Lorant

critiqué par Francois Martini, le 9 juin 2017
( - 70 ans)


La note:  étoiles
L'amour en Italie
Qu’advient-il lorsqu’un metteur en scène d’opéra légèrement vieillissant séduit une jeune violoniste ? C’est le sujet d’un tendre roman en forme de variations sur le thème de l’amour et de l’opéra, qui nous entraîne en Italie, de Venise à Lecce et de par quelques hauts lieux de la culture européenne.

Carlo, metteur en scène de l’avant-garde institutionnelle (le genre qui transpose les livrets d’opéra sans vergogne) aime désespérément Giovanna, violoniste juvénile encombrée de son art, mais qu’il a libérée de sa virginité. Nous suivons ces amoureux un peu dépareillés dans leur recherche chaotique du bonheur et de chambres discrètes. Car rien n’est simple chez les artistes, et c’est tout l’intérêt du roman : aux sentiments orageux des amants contrariés par leurs âges et leurs métiers, s’ajoute la douceur de la vie de théâtre et de musique. Et l’Italie.

Situer l’action en Italie, à Lecce et Venise, principalement, permet à André Lorant de vagabonder de ville d’art en théâtre d’opéra et de trattorias en musées, mais sans s’attarder, tout entier au drame sentimental qui se déroule sous nos yeux dans un pays de rêve. Les amants passent d’une ville à l’autre et d’une chambre à l’autre avec classe et imagination. Leurs émois sont souvent passés au tamis de chefs d’œuvres de la littérature et de l’art. C’est Juliette qui parle pour Giovanna ou Mozart pour Carlo.

Giovanna est embauchée à Venise. Carlo reste à Lecce. Il la trompe et le lui dit ; elle avoue une ébauche d’aventure homosexuelle. Leurs retrouvailles sont l’occasion de disputes autant que d’étreintes, la question de la différence d’âge est la cheville ouvrière du drame mais le désir recolle les morceaux.

Bien sûr, et tout l’intérêt du roman est là, dans ce qui pour Carlo représente le chant du cygne de la vie amoureuse, et pour Giovanna l’éveil à la sensualité. L’érotisme est léger, la « jeune violoniste », ainsi que l’appelle l’auteur, devient moins jeune, découvre le saphisme, le féminisme, le désespoir, les tentations suicidaires, tandis que Carlo est invité à Tokyo, ce qui les sépare définitivement. Croit-on. Fugato est un opera seria. Tout s’achève donc au mieux.

Au total, une lecture d’été à déguster entre amaretto et grappa, pour se laisser bercer par une langue chatoyante et mélodieuse, riche d’un vocabulaire que l’on croyait passé. Mais comme la grande musique, la belle langue ne se perd pas, ni la nostalgie. Et Fugato en contient beaucoup.