Les valeureuses: Cinq Tunisiennes dans l'Histoire.
de Sophie Bessis

critiqué par Page , le 27 avril 2017
(Rennes - 35 ans)


La note:  étoiles
Des femmes tunisiennes à découvrir
L'ouvrage désire mettre en valeur cinq femmes qui ont joué un rôle important dans le dur combat que les femmes tunisiennes ont mené pour ne pas voir leur futur dépendre de l'avis des hommes. Toutes sont nées et ont vécu l'essentiel de leur vie sur le sol qui appartient à l'actuel état tunisien. C'est pourquoi la Kahena, figure emblématique de la résistance berbère face aux envahisseurs arabes, n'y figure pas ; en effet ce personnage relève tant de l'histoire de la Tunisie que de celle de l'Algérie.

Celle qui a vécu il y a le plus longtemps est une femme qui appartient plus à la mythologie punique qu'à l'histoire de Carthage. Il faut se rappeler qu'Elissa (plus connue en Europe sous le nom de la "reine Didon") est considérée comme la fondatrice de Carthage. Une partie des actions qu'on lui prête renvoie à des légendes présentes en Asie.

Sophie Bessis parle ensuite d'Aïcha Sayida Manoubia qui fut considérée comme une sainte dès l'époque où elle vivait, à savoir le XIIIe siècle. On lui attribue des miracles et c'est la raison pour laquelle il fut construit une zaouia, composée de son tombeau, d'une école coranique et d'une mosquée. Cette zaouia fut victime d'un incendie criminel en 2012 mis sur le compte des salafistes.

Aziza Otmâna est, comme son nom permet de le deviner, le reflet de la période turque subie par le pays. Il est possible qu'elle soit la petite-fille d'Othmân Dey, l'épouse de Mûrâd Bey puis de Hamûda Bâcha Bey et la mère d'Ahmed Bey. Rappelons que le dey est le gouverneur ottoman d'une province de l'empire et que le bey est au départ un collecteur d'impôts dans la régence de Tunis. Petit à petit, ces hommes qui vont chercher souvent l'impôt, accompagné d'une force armée, s'emparent du pouvoir réel.

Aziza Otmâna aurait vécu de 1606 à 1669 ; c'est un personnage consensuel. En effet elle est apprécié par les religieux pour sa piété, par l'élite du fait de son statut social et enfin par les féministes par sa relative autonomie de vie. Ses œuvres de charité furent nombreuses et c'est pourquoi l'hôpital de Tunis a pris son nom au début de l'ère Bourguiba.

Sophie Bessis clôt son ouvrage par deux personnages qui furent très actifs dans la première partie du XXe siècle. Il s'agit d'Habiba Msika née vers 1900 et d'Habiba Menchari sa cadette de sept ans. Les deux menèrent une vie très libre, la première (après avoir divorcé) eut de nombreux amants (dont peut-être Habib Bourguiba) et la seconde développa ardemment des idées féministes et socialistes dans l'Entre-deux-guerres. Habiba Msika appartenait à la communauté juive tunisienne ancrée dans ce pays au moins le XVIe siècle. Elle fut une comédienne et une chanteuse qui rayonna sur le Maghreb et l'Égypte ; ele fit même des tournées en France. Sophie Bessis offre la reproduction de l'article du journal Tunis socialiste qui reprend quasiment tous les propos qu'elle tint en 1929 afin d'entrevoir les avantages pour la société tunisienne d'avoir des femmes instruites.