Que cherches-tu ?
de Antoinette Peské

critiqué par Clarabel, le 21 avril 2004
( - 48 ans)


La note:  étoiles
Tel un vieux roman anglais...
Repérée par Guillaume Appolinaire à qui elle confiait ses premiers poèmes à seulement douze ans, Antoinette Peské se révélera une fine analyste de l'âme humaine avec deux textes, "La boîte en os" et "Que cherches-tu?". Peu de temps avant de mourir en 1983, elle évoque l'existence de ce roman qu'elle avait terminé à dix-huit ans.
"Que cherches-tu?" sonne comme un roman anglais du 19e siècle. Il fait d'Antoinette Peské la quatrième soeur Brontë. Par un fait étrange, l'héroïne s'appelle Jeanne R. (en référence au personnage central du roman éponyme de Charlotte Brontë, "Jane Eyre" ?)...
Jeanne R. est institutrice sans le sou dans un manoir anglais. Elle est française et travaille pour le couple O'Perk et leur petite fille Hester de cinq ans. Mais le couple se déchire en silence et avec un flegme tout aristo-britannique. "Sir O'Perk et sa femme ne se parlent pas plus lorsqu'ils sont seuls que lorsqu'ils ont des amis. Si par hasard, en tête à tête, des mots leur viennent aux lèvres, ce sont de ces mots durs et coupants qui doivent leur taillader le coeur. Quoi qu'il en soit, ils ne se disputent pas, leur dignité de gentleman et de lady ne le leur permettant pas."

Insconsciemment Jeanne va être entraînée dans un jeu auquel elle n'était pas préparée. Car la sentence dramatique plane. Au centre des deux époux, elle doit recueillir les confidences de l'un, cultiver l'amitié de l'autre et étouffer les sentiments de son coeur. "Refouler des mots que le coeur, pareil à une mer agitée, rejette ainsi qu'une écume dorée! Ne pas écouter ceux que l'on vous murmure! Fermer la pierre du tombeau sur un vivant qui appelle! Eviter les yeux... comme le dernier des misérables et raidir sa voix pour qu'elle ne tremble pas.. se taire!.. et entendre parler trop fort son coeur! "
La trame romanesque va précipiter les acteurs de "Que cherches-tu?" vers la douleur, l'éloignement, le faux-semblant, l'amertume et le regret. Cette question (titre du roman) s'adresse à Jeanne, prisonnière du souvenir qui la ronge - ce terrible amant abusif qui aura raison de tous.

Le roman d'Antoinette Peské, obscur et poétique, pêche parfois par maladresse d'un style légèrement brouillon. Toutefois, la plume reste belle, pudique et éclatante. L'auteur parle d'amour et d'éducation sentimentale, de désir qui surgit mais nécessairement corseté, en quelques courtes pages dont "l'apparente pudeur cache tout au fond une sidérante crudité". Classique, sobre et exaltant.