Obsessions
de Christophe Bier

critiqué par Débézed, le 3 avril 2017
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
Fautes de goût
En septembre 2017, « l’émission radiophonique Mauvais genre de France Culture aura vingt ans », Christophe Bier y est entré en 2001 et il y tient une chronique régulière au moins depuis le 6 septembre 2003 date de la première chronique qu’il a choisi de publier dans ce recueil qui en comporte centre-trente-deux, la dernière présentée étant datée du 11 juin 2016. L’auteur classe ces chroniques par ordre chronologique de diffusion, ou de supposée diffusion car il dit n’être par certain que toutes aient bien été diffusées, mais elles ont toutes bien été enregistrées. La formule de cette chronique s’est imposée quand le plus petit acteur, par la taille du cinéma français, le plus célèbre petit homme du monde du spectacle, Pieral est décédé. « La formule nous est tombé dessus quand Piéral est décédé le 12 août 2003. Sa nécrologie s’imposait ».

Il est impossible de définir le « mauvais genre », le débat a hanté l’émission depuis son origine, il y tellement de façon de voir le mauvais genre que c’est peut-être le regard porté sur les événements, les personnes, les films, les livres, les dessins, etc… qui leur donne ce qui est ici dénommé « mauvais genre ». Donc les chroniques de Christophe Bier abordent de très nombreux domaines qui paraissent évidents pour certains mais beaucoup moins pour d’autres. Il diffuse de nombreux hommages à l’occasion du décès de certaines personnes totalement oubliées qui ont joué un rôle important ou, qui au contraire ont totalement sombré, dans un genre non reconnu par le gente bien pensant : films et bandes dessinées érotiques, pornographiques, fantastiques, d’horreur… mais aussi tout ce qui concerne la série B ou Z, les péplums, les westerns à deux sous etc… L’auteur profite aussi de la sortie d’une anthologie, d’une intégrale, d’une réédition de livres sulfureux, du roman à la BD en passant par les fanzines et tout ce qui se lisait en cachette et circulait sous le manteau.

Tout peut faire l’objet d’une chronique : stars du porno, producteurs ou réalisateurs de films d’horreur, de sexes, fantastiques, acteurs spécialisés dans des rôles dérangeants, êtres difformes, dessinateurs de BD ou fanzines pour adultes, films, cassettes, DVD, magazines, livres, photos, personnages de cirque, spectacles, photographies, objets érotiques notamment les vêtements et certains accessoires spécialisés, tout ce qui fait l’objet d’une censure, d’un interdit quelconque ou d’un émoi chez les âmes bien pensantes. Dans cet inventaire à la Prévert du mauvais goût, de l’horreur, du fantastique, de la médiocrité, de l’insuffisance,…, on trouve beaucoup de choses diverses, des choses très médiocres, des choses choquantes, des choses abominables, des choses minables, j’en passe et des meilleurs mais aussi de véritables pépites, des acteurs qui n’ont pas rencontré les rôles qu’ils méritaient, des auteurs, des créateurs, des réalisateurs, des artistes qui n’ont pas eu les moyens de montrer leur immense talent.

J’ai retrouvé dans cet inventaire bien des choses qui ont occupé certaines de mes heures perdues, d’autres auxquelles j’aurais bien consacré d’autres heures et d’autres enfin auxquelles je ne suis pas fâché d’avoir échappé. Dans tous les cas, ce catalogue a un côté très rassurant, il montre que la transgression est toujours possible et que ceux qui en usent sont souvent ceux qui ouvrent des portes pour ceux qui deviennent célèbres après eux. La médiocrité est de ce monde, elle permet de mieux apprécier l’excellence, la vulgarité est bien souvent plus l’apanage de celui qui regarde que de celui qui réalise. Et, pour conclure, pourquoi ne pas suivre l’auteur quand il déclare à propos des œuvres d’André Guerder : «… c’est avec émotion que je contemple désormais mes rayonnages d’insanités : toujours plus laid, toujours plus beau ».