La Saga d'Oddr aux Flèches: Suivie de la Saga de Ketill le Saumon et de la Saga de Grímr à la Joue velue
de Auteur inconnu

critiqué par Fanou03, le 28 mars 2017
(* - 48 ans)


La note:  étoiles
Un air de Fantasy
Oddr, fils de Grímr à la Joue velue, a un caractère belliqueux. Défiant la malédiction prophétisée par une voyante, il parcourt le monde, défiant vikings rivaux, géants, trölls et autres peuplades farouches. Mais échappera-t-il malgré tout au sort funeste que lui a réservé le Destin ?

La saga d'Oddr aux flèches est une saga islandaise écrite entre le treizième et le quatorzième siècle. Régis Boyer, spécialiste incontournable de la civilisation scandinave ancienne, nous précise dans une riche préface qu’elle fait partie des sagas dites légendaires. Et il est vrai que sa lecture évoque irrésistiblement tous les éléments de ce qu’on appelle aujourd’hui la Fantasy: Oddr est un héros invincible, aussi bien grâce aux qualités physiques que lui a prêté la Nature qu’à des accessoires magiques (notamment les Dons de Gusirr, des flèches qui atteignent leur cible à tous les coups et la tunique protectrice que lui a tissé la belle Ölvör). Il se frotte, au cours de ses pérégrinations, à toute une faune exotique, Géants, Trölls et autres monstres moins connus, en compagnie de fidèles compagnons d’armes et sous la menace d’une malédiction qu’il dédaigne.

Cette lecture, je dois le reconnaître, malgré ce sentiment de familiarité évident avec l'univers de la Fantasy, est très déconcertante. La prose, bien que globalement très facile à lire, présente parfois des passages un peu moins évidents, comme si Régis Boyer avait traduit le texte d’origine en l'adaptant a minima. Cela donne, par son côté brut, un très fort cachet d’authenticité, mais peut parfois décourager la lecture. En outre le récit est régulièrement émaillé de déclamations poétiques, là aussi savoureuses mais pas toujours très compréhensibles, le summum étant la très longue visa funéraire de Oddr, que j’ai trouvé personnellement fastidieuse. La psychologie des personnages quant à elle reste quand même extrêmement basique, dans ces suites de combats sanglants quasi-ininterrompus. Les péripéties sont reliées entre elles par des transitions narratives dont on peine de temps en temps à comprendre la logique. Les deux autres sagas présentes dans le recueil, très courtes, présentent les mêmes caractéristiques.

L'omniprésence des combats et des pillages (notamment ceux concernant le peuple sâme, qui n'avait rien demandé à personne) met la violence au cœur du propos, d'autant que celle-ci n'a en générale d'autres justifications qu'elle-même. En lisant cette saga on peut comprendre un peu mieux la circonspection vis-à-vis de ce genre dont font preuve certains auteurs islandais eux-même, par exemple Aldor Laxness dans sa parodie moqueuse La Saga des Fiers-à-bras ou encore Audur Olafsdottir qui affirmait dans un documentaire (L'europe des écrivains sur Arte consacré à l'Islande) avoir été marquée par la violence des sagas lues dans sa jeunesse.

On pourrait aussi avancer une analyse un peu moins sévère de cette "idéologie" de la violence: peut-être tout simplement que pour les lecteurs du treizième siècle, cette saga en particulier relevait tout simplement d'un simple divertissement, un peu de la même façon qu'il arrive à certains d'entre nous de regarder un film d'action musclé ou de lire certains mangas où coulent abondamment l'hémoglobine...

Un peu intimidé par la réputation des Sagas islandaises, je souhaitais en lire une qui soit assez facile d'accès. Ce sont les éditions Anacharsis qui m’ont conseillé La saga d'Oddr aux flèches (ainsi que La saga de Hrolfr Kraki). Je confirme, comme je l'ai déjà dit, que le texte dans son ensemble est tout à fait abordable, mais qu'il présente certaines caractéristiques (liées sans doute au genre mais aussi à son époque) qui néanmoins peuvent rebuter.

Pour mon compte, l’intérêt que je vois à La saga d'Oddr aux flèches est, avant tout, je l'avoue, d'ordre patrimonial, celui de découvrir un imaginaire qui a fortement marqué la littérature occidentale, ainsi que la découverte d'une culture, aidée en cela par les très nombreuses notes de fin de page de Régis Boyer, aussi instructives qu’indispensables.