Plus folles que ça, tu meurs
de Denise Bombardier

critiqué par Libris québécis, le 20 mars 2017
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
La Sexualité des sexagénaires
Les premières syllabes des mots du titre donné au commentaire établissent le sujet du roman, qui rappelle Sex and the City, hormis l’âge des personnages. Celles de Denise Bombardier sont des femmes vieillissantes qui craignent de perdre leur pouvoir de séduction. Pour protéger leurs charmes, elles fréquentent les cliniques d’esthétisme. Ce semble, de prime abord, leur unique souci. Tous les produits conçus pour conserver une apparence de midinette s’accumulent dans le tiroir de chevet. Pauline, la sportive qui s’attife comme une adolescente, réussit à faire du jogging sans que ses seins bougent. Ça leur coûte une fortune, mais ce sont toutes des carriéristes. En fait, l’œuvre s’ouvre sur l’univers de femmes riches qui peuvent tout se payer.

Ces dernières forment un cercle d’amies auquel s’est joint Sean, le coiffeur gay d’Agnès, narratrice du roman. Elle brosse le tableau de chacune d’elles. Outre Pauline déjà évoquée au paragraphe précédent, il y a Claudine qui vit comme si elle avait encore vingt ans en se choisissant des amants d’un soir dont elle pourrait être la grand-mère. Quant à Marie, elle se perd dans ses pensées au point de s’organiser pour tuer Kim Jong-Un, nul autre que le dictateur de la Corée-du-Nord. Jeanne, la juge, est la spécialiste des croisières qui, croit-elle, cachent le grand amour et Estelle est une lesbienne. Seule la sexualité semble préoccuper ces femmes intelligentes. Pourront-elles en profiter encore longtemps ? Du moins, elles prennent des bains de jouvence onéreux en espérant garder un lock jeune. La vieillesse ne tue pas le désir. Les hommes l’emportent entre leurs friandises préférées. Il va de soi que le discours, lorsqu’elles se rencontrent, porte sur les exploits sexuels vécus depuis la précédente fois qu’elles se sont vues. Elles ont le doigt magique, semble-t-il, pour ceux dont la puissance érectile est biannuelle, comme elles disent, celle qui est effective une fois sur deux. Les parties de jambe en l’air à la lumière tamisée pour camoufler les ravages du temps composent leur principale activité en dehors de leur carrière.

Ces fleurs bleues cherchent toutes l’amour avec un grand A avant de perdre leurs beaux pétales Elles aiment les hommes et ne s’en cachent pas. Mais elles connaissent aussi leur vulnérabilité. Elles savent démêler le vrai du superfétatoire. Comme on dit dans la chanson du Rapide blanc : « Y a des hommes de rien qui rentrent pis ça m'fait rien. » Un jour, un ciel rose bonbon s’annonce à l’horizon pour Agnès. Grâce à une amie Libanaise, elle fera la connaissance de son cousin Charles. Les hormones ne feront qu’un tour avant de déclencher le coup de foudre. Il se présente comme le challenger dont elle espère qu’il devienne son champion. Enfin, le bonheur sur un plat d’argent avec un homme qu’elle idéalise. Mais l’héroïne a eu une fille d’un mariage religieux. Ce sont deux obstacles de taille. Femme de principes, il lui faut annuler cet engagement devant l’Église et obtenir l’assentiment de sa fille, une psychologue qui perçoit sa mère sous un œil défavorable. Elle lui reproche tous les défauts du monde. Mauvaise mère qu’elle accuse de s’être montrée irresponsable à son égard. Leur relation tendue s’amenuise toutefois quand elle devient enceinte. Le soleil perce enfin les nuages d’une filiation boiteuse.

C’est le canevas sur lequel Denise Bombardier a dressé le portrait des relations entre la gente masculine et féminine. On désire les hommes, mais sont-ils dignes des hommages de la femme, qui se tient toujours titillante malgré l’âge au cas où le beau Brummell apparaîtrait sur sa route ? L’auteure décrit un univers où la classe est de rigueur. Grande classe qui n’élimine pas la truculence. Les vampires concupiscentes du roman se prêtent à pomper (sic) leurs hommes pour les attirer dans leur filet. Elles parlent assez crument de la sexualité, mais avec un tantinet plus d’élégance que Mariana Mazza (humoriste québécoise). Aucune ne tait les mots que l’on ne saurait entendre. Ce ne sont pas des « tartuffettes ».

Ceux et celles qui préfèrent les limites du sous-entendu seront déçus. Ceux qui aiment l’éclatement des tabous sexuels apprécieront l’audace de l’officière québécoise de la Légion d’honneur. Mais l’enjeu romanesque ne transcende pas l’audience populaire. Comme roman de gare, on peut se contenter de ce ragoût juteux qui fera saliver les libidineux. On comprend l’intention de l’auteure, mais parviendra-t-elle à toucher un électorat déjà habitué aux tourments du vieillissement et de la sexualité évoqués par Denise Bombardier depuis Ouf qui abordait le même sujet chez la femme de 40 ans.