Histoire de la Résistance
de Olivier Wieviorka

critiqué par Falgo, le 14 février 2017
(Lentilly - 85 ans)


La note:  étoiles
Une somme considérable
Publié en 2013, ce livre est probablement une des meilleures recensions de cette période complexe et si importante dans l'histoire de la France.Elle reprend des milliers de pages d'historiens, de témoignages et d'archives publiés précédemment. Le jugement sur la Résistance a beaucoup varié au cours du temps, en particulier en fonction des positions politiques sous-jacentes à un moment donné.
L'idée dominante, encore, est celle d'une période glorieuse. Elle est largement nuancée dans ce livre en fonction des approches suivantes:
- les consignes de sécurité n'ont pas, loin de là, été toujours respectées,
- la lutte entre les différents organismes de France et de Londres et entre leurs chefs a souvent pris le pas sur des objectifs opérationnels,
- en ce sens les exécutants et militants "de base" ont peut-être été plus engagés que leurs responsables avec de très nombreuses erreurs et incompréhensions (Glières, Vercors, etc.),
- les optiques d'avant-guerre des partis politiques et des syndicats ont perduré à travers la résistance pour établir les conditions du pouvoir après la Libération,
- sur ce point, les décisions de de Gaulle ont, à son retour en France, plutôt favorisé le retour et la remise en place des partis politiques et des syndicats que l'accession aux responsabilités de personnes nouvelles issues de la Résistance.
Ces points recouvrent en large partie les mémoires de Daniel Cordier ("Alias Caracalla").
Tout ceci est présenté par Wieviorka avec un foisonnement de détails qui traduit l'immensité du travail de l'historien .Cependant le lecteur que je suis a tendance à s'y perdre et il lui manque des passages de synthèse permettant de mieux se forger une opinion. J'ai souvent trouvé dans d'autres ouvrages historiques cette lacune: le souci du détail vérifié l'emporte sur celui de la synthèse. C'est ici le cas.
J'ajoute qu'un chapitre semble manquer: celui de l'épuration. Certes l'épuration politique est évoquée. Mais ce pan noir de notre histoire n'est pas traité. Or il me semble que, même si cela obligeait l'auteur à modifier la date de fin de son récit, traiter de cette période est également essentiel pour la compréhension de ce qui l'a précédée.
L'analyse fine d'un phénomène clandestin 10 étoiles

Un temps certain a fatalement été nécessaire pour récolter des informations fiables et, de là, une vision globale d'un phénomène historique partiellement clandestin, comme la Résistance. Hostile au régime en place et aux forces d'occupation, elle a été tentée par les actions hors-la-loi. L'organisation de la relève nationale conçue de Londres a été chapeautée par de Gaulle qui a toujours craint que son autorité pût être sapée par la mise en place de réseaux clandestins, tentés tôt ou tard de revendiquer une part de légitimité dans la libération. Aussi les clans politiques, même tombés dans le secret de l'interdit légal, ont refait surface, au sein de conflits internes à ces mouvements partageant un but commun évident, le rétablissement de l'Etat de droit et de la démocratie, par la mise à mal de la domination allemande.
Les Alliés ont ainsi douté des capacités des réseaux de Résistance comme partenaires fiables, ou pouvant au moins participer de manière notable au combat, faute de quantités de moyens humains suffisants. Mais ils ont été impressionnés par la masse et la qualité des renseignements transmis, qui ont notamment permis l'organisation du débarquement.

Ce livre transforme bien la Résistance d'un mythe en un objet d'histoire, porteur de fulgurances comme de zones d'ombres, inconnues ou moins nobles que d'autres. La précision et la nuance du propos font prendre conscience du caractère polymorphe et hétéroclite. Il paraît donc d'une grande utilité et d'une grande richesse.

Veneziano - Paris - 46 ans - 2 mars 2018