Steamboat
de Craig Johnson

critiqué par Ellane92, le 6 janvier 2017
(Boulogne-Billancourt - 49 ans)


La note:  étoiles
L'esprit du Steamboat
C'est bientôt noël, et le Shérif Walt Longmire, plongé dans Le chant de noël de Dickens, n'a pas du tout envie de recevoir la jeune femme qui le demande tout en affirmant ne pas le connaitre ! En fait, ce qu'elle veut, c'est rendre un objet à Lucian Connely, l'ancien Shérif, qui fait des siennes au foyer des personnes dépendantes de Durant, ayant une fois de plus utilisé son fusil pour faire taire le poste de télévision de la salle commune.
Lucian comme Walt s'interrogent à propos de cette femme étrange qui ne dit pas grand-chose de sa voix sifflante. Jusqu'à ce qu'elle prononce le mot "Steamboat".
Steambot, c'était un vieux coucou qui datait de la guerre. Lors du premier noël de Walt en tant que Shérif, il avait été utilisé comme appareil d'évacuation sanitaire pour transporter une grand-mère et sa petite-fille, gravement brûlée suite à l'accident qui avait coûté la vie à ses parents, jusqu'à Denver, pour qu'elle puisse survivre.

Ça fait un bout de temps que je suis les "A Walt Longmire mystery", selon le nom consacré. En général, ces livres sont plutôt épais, avec une enquête policière bien ficelée, tout un tas de personnages attachants et récurrents, beaucoup d'humour, un peu d'émotion, de l'action, et toujours les paysages enneigés du Wyoming.
Steamboat déroge assez à cette règle : d'abord, ce n'est pas un roman policier. Un roman d'action, plutôt, avec un scénario catastrophe dont on sait qu'il va bien finir, le tout étant de savoir comment un vieil avion au rebut piloté par une jeunette et un vieillard unijambiste, transportant une grand-mère japonaise, une enfant brûlée en insuffisance respiratoire, un médecin, et bien sûr, notre Shérif préféré, va bien pouvoir faire pour atterrir en bonne et due forme à Denver (j'avoue, j'exagère pour le "bonne et due forme"). Les personnages se limitent à ceux que j'ai nommé, on ne croise donc pas Henri, le grand copain de Walt, Cady, sa fille, ou Vic, son adjointe volcanique et accessoirement sa maitresse. Idem, en guise de paysage, on ne verra pas grand-chose : de la glace, du blanc, et l'intérieur du Steamboat. Enfin, avec moins de 200 pages, ce livre tient plus de la longue nouvelle que des pavés habituels de C. Johnson. Mais ce titre est l'occasion d'en apprendre plus sur l'acariâtre Lucian, l'action est bien présente, l'humour aussi. Les dialogues font mouches, le récit court est bien rythmé.
A mon avis, Steamboat n'est pas le bon ouvrage pour se plonger dans les aventures de Walt (il vaut mieux commencer par le commencement : l'excellentissime Little Bird), mais il reste un ouvrage catastrophe sympathique et neigeux, agréable à lire sous sa couette, quand le givre des rues ruisselle sous les éclairages clignotants des décorations de noël.
Entre roman et grosse nouvelle 8 étoiles

Entre roman et grosse nouvelle, mais en tout état de cause pas un polar même si shérif Walt Longmire est bien de la partie. Soyons clair, il s'agit d'un Longmire parfaitement atypique.
Ce pourrait être un conte de Noël, puisque nous sommes juste avant Noël, la preuve en étant que Walt Longmire est en train de lire « Un chant de Noël », ouvrage de Dickens offert par son père il y a des lustres, au début du roman, comme avant chaque Noël ainsi que nous l’apprend Craig Johnson.
En fait une femme vient perturber sa lecture alors qu’il est déjà en roue libre, une femme aux origines plutôt asiatiques qui vient en réalité pour rencontrer le prédécesseur de Walt, Lucian Connally. Une chance, Walt et Lucian sont restés bons amis et Walt lui rend régulièrement visite à la maison de retraite où réside Lucian, notamment pour une partie d’échecs hebdomadaire. Il emmène donc cette femme rencontrer Lucian. Sur place l’échange est improbable, tendance discussion entre sourds, jusqu’à ce que cette femme prononce le nom de Steamboat.
Et voilà nos protagonistes replongés une vingtaine d’années en arrière lorsque par un blizzard d’hiver il avait fallu tout tenter pour sauver une petite fille – japonaise – victime d’un accident de la route et que pour ce faire il avait fallu l’amener d’urgence à Denver. D’urgence sauf que plus rien ne roulait ni ne volait, blizzard oblige, et que seule la présence d’un antique bombardier de la guerre, « Steamboat », et de Lucian Connally, jeune retraité à l’époque et pilote de ce genre d’engin pendant la guerre, pouvait laisser une chance de réaliser l’impossible.
Ce qui explique que 90% du roman se déroule le 24 Décembre 1988 puisque c’est le récit du jour de ce vol épique pour sauver la petite fille qui est raconté.
Avec, par ordre d’apparition ; Lucian Connally, ex-pilote, ex-shérif, et accessoirement unijambiste aux commandes, une Julie Luehrman, pilote d’hélicoptère comme co-pilote, un Walt Longmire comme accompagnateur assistant, un Isaac Bloomfield, médecin d’hôpital comme urgentiste accompagnateur, une petite fille en danger de mort, inconsciente et sa grand-mère, japonaise, ne parlant pas l’anglais.
Avec un blizzard apocalyptique du Wyoming comme Craig Johnson les aime (cf Tous les démons sont ici). Bref un voyage parfaitement improbable, comme on les aime, et qui permet à Craig Johnson de se faire plaisir.
Et au lecteur aussi ! A moi en tout cas. Ce pourrait être le scénario d’un film d’action, l’humanité en plus. En tout cas on ne peut pas le considérer comme un Walt Longmire classique. Qu’on se le dise !

Tistou - - 68 ans - 7 novembre 2020