Extrême Orient, tome 1
de Franck Bourgeron

critiqué par Minoritaire, le 26 décembre 2016
(Schaerbeek - 64 ans)


La note:  étoiles
Les poubelles de l'histoire
En 1927 à Shanghai, Li Fuzhi, comme des milliers de ses concitoyens, comme des millions de ses compatriotes, se débrouille pour survivre. Il est affilié avec un peu de dégoût à une bande mafieuse, la Main Verte. Alors, quand Wang li l’invite à une réunion du Parti Communiste, Li Fuzhi ne comprend pas grand chose à la dialectique marxiste, il croit néanmoins que son avenir de traine-misère passe par là et il s’engage dans la Révolution. Mais la Main Verte le rattrape, et le Parti n’est pas exempt de sordides conflits d’intérêts.

En deux volumes (Li Fuzhi et He Sao), « Extrême-Orient » nous conte le cheminement d’un Chinois comme un autre, depuis les prémices de la Révolution et le soulèvement de Shanghai jusqu’à la Révolution Culturelle, en passant par la Longue Marche. Il s’élèvera un peu durant ce dernier épisode, obtenant le grade de capitaine au sein de l’Armée Populaire, mais ce ne sera que pour descendre aussitôt. En disgrâce, exilé, marié de force à une inconnue, Li Fuzhi se révèle : un être sans charisme, « veule et résigné », et un pion sur l’échiquier de son supérieur. Dans ce jeu, il croisera des personnalités bien plus fortes que la sienne, ce qui ne les exemptera pas pour autant du même destin tragique.

L’histoire est contée comme un long flash back entrecoupé de retours au présent : l’exil en camp de rééducation, dans l’attente. De quoi ? Le destin de Li Fuzhi ressemble sans doute à des milliers d’autres en Chine : les ravages de la Chasse aux contre-révolutionnaires, la Révolution Culturelle… Autant de grands mots et des beaux slogans qui ont camouflé des règlements de comptes; dans ce cas-ci, au bas de l’échelle du Parti.

Au delà d’un personnage central pathétique, Franck Bourgeron nous dépeint une Chine humaine, réelle. J’ai cru déceler une parenté avec La condition humaine, mais comme je ne suis jamais arrivé à terminer ce roman, peut-être est-ce simplement l’attrait commun de la Chine sur les auteurs qui transparait.
Quant au trait de Franck Bourgeron, il m’évoque un peu celui de Manu Larcenet, et c’est loin d’être un reproche.

Au final, je ne regrette pas d’avoir fouillé les poubelles car, pour la petite histoire, j’ai trouvé ces deux volumes en parfait état et parmi d’autres bouquins sur le trottoir d’un voisin; les gens sont bizarres :-)