Mademoiselle Belle
de Truman Capote

critiqué par AmauryWatremez, le 19 décembre 2016
(Evreux - 54 ans)


La note:  étoiles
écrits de jeunesse de Truman
Il avait été question de ce recueil à la fin d'un documentaire sur l'écrivain faisant suite au long-métrage évoquant la rédaction de « In cold blood » où il est incarné par Philip Seymour Hoffman. J'étais un peu sceptique, cela ressemblait fort à une tentative des ayant-droits afin de gagner encore un peu quelque argent, à de la marchandisation grossières. Comment des nouvelles rédigées par un gamin de onze ans pouvaient-elles être intéressantes ? Feuilletant le livre, je compris que même s'ils demeurent bien quelques scories, elles sont minimes. L'auteur met par exemple « première partie » au début d'un récit de douze pages, « deuxième partie » à la troisième page etc...

Cependant, l'on retrouve déjà toute la puissance de son écriture, toute son empathie pour ses personnage, même une très vieille dame. Capote est trop souvent réduit à son personnage de ludion zézayant avec une voix de petit garçon n'ayant jamais mué, un homosexuel mondain et ragoteur distrayant les jolies femmes-trophées d'hommes « importants », en particulier Babs Pailey. Le même sort est généralement réservé à Oscar Wilde ramené à ses petites phrases spirituelles, ses provocations mondaines, ses amours interdites et on oublie soigneusement ses livres. Dans les deux cas, on oublie de fait la Littérature. C'est pourtant elle qui rend Capote réellement différent, tout comme Wilde.

Et non leur homosexualité flamboyante et jamais camouflée pour Truman...

Capote avait été à la fois aimé et laissé de côté par sa mère, et un père trop falot, trop timide pour lui transmettre quoi que ce soit. Il avait connu les soirs d'effroyable solitude dans les chambres des palaces où sa mère le laissait. Et pour en effacer le désespoir, il n'avait plus eu comme solution que de se réfugier dans les livres, l'échafaudage d'un monde imaginaire infiniment riche. Et comme tous les lecteurs compulsifs il avait bien fallu qu'il se mette à écrire, chaque jour des heures et des heures. Il s'imposait une discipline de fer. Comme tous les gosses peu doués pour la vie sociale, il préféra les Lettres aux compromissions quotidiennes, aux lâchetés ordinaires, aux hypocrisies de tous les jours...

Il y avait toujours un peu de « Dill » en lui jusqu'à la fin de sa vie (son prénom dans « To kill a monckingbird » de son amie Harper Lee). Il était le « Puck » de son univers intérieur. Il était aussi assoiffé de reconnaissance se consolant par la gloire des manques d'amour de son enfance. Il y aura un peu de sa mère dans le personnage de l’inoubliable Holly Golightly, mais aussi d'une petite allemande qu'il aima sans retour en 1943 lorsqu'il emménagea dans le fameux « immeuble de briques rouges » de New York.

Dans ce recueil, l'auteur évoque surtout le Sud de son enfance. Il s'entraine à explorer les futurs « Domaines Hantés » et à effleurer sa « harpe d'herbes ». Il en dessine les personnages avec une maturité et un sens de l'altérité que l'on chercherait vainement chez des écrivains se voulant beaucoup plus sages, beaucoup moins futiles. Il parle avec leurs mots, leurs légères vulgarités, mais sans aucune condescendance. Il n'en eut d'ailleurs jamais dans tout le reste de son œuvre. Il se met à leur place, ne rit pas de leurs petites misères, de leurs joies simples. Il devient même une très vieille dame conversant avec la Mort elle-même un soir de fatigue, un type séduisant mais louche ayant l'accent du Bronx.

Capote connaîtra la renommée avec « Breakfast at Tiffany's » et la consécration avec « De Sang Froid » son grand œuvre, sa dernière achevée également. Il n'arrivera pas à se guérir des manques d'amour vécus durant son enfance. Il mourra seul, ou presque, à cause d'un mélange d'alcool et de drogues, effroyablement seul. Ce n'est pas son cocktail dangereux qui le tua mais cette effroyable solitude dans laquelle il vivait à la fin de sa vie. Reste ce qu'il a écrit, peut-être en avait-il plus ou moins conscience...