Les sirènes noires
de Jean-Marc Souvira

critiqué par Ellane92, le 17 janvier 2018
(Boulogne-Billancourt - 49 ans)


La note:  étoiles
polar réaliste
Trois jeunes filles nigérianes participent à une étrange cérémonie ayant pour vocation de les protéger, mais aussi de les rendre folles si jamais elles se parjurent. Encouragées par leur mère, cette cérémonie marque leur départ du pays pour devenir « coiffeuse » ou « esthéticienne » à Paris, en France. A Paris, justement, le commissaire Ludovic Mistral, dont le couple bat de l'aile, et son équipe, travaillent d'arrache-pied sur des meurtres très étranges et pour lesquels les indices sont très minces : des troncs de corps humain, sans tête ni membre, impossible à identifier. Pendant ce temps-là, un homme ayant fui lors d'une perquisition à son appartement parcourt les parkings pour trouver les endroits où il ne sera pas filmé. Il savoure d'avance son crime.

Les sirènes noires, c'est le nom poétiques de ces femmes qui arpentent les trottoirs de Paris ou d'ailleurs pour "rembourser" une dette qui n'en finit jamais de s'alourdir et qui n'ont aucun espoir de salut, emprisonnées par la "magie" du sorcier qui a gardé une "part d'elles" avant de partir. Dans ce livre, Jean-Marc Souvira, lui-même commissaire divisionnaire à la police criminelle, entremêle leur histoire moderne à des pratiques et croyances d'un autre temps : les rituels de magie où l'on emprisonne l'esprit, la puissance du sang et des membres des albinos, une sorte de vaudou à la sauce des téléphones portables et d'internet. Il évoque également la traque d'un tueur en série qui étouffe les jeunes femmes dans les parkings pour mieux les violer. On suit également Ludovic sur les traces de son passé, de son présent avec ses fils et sa femme, et ses questions sur l'avenir.
J'ai eu un peu de mal, au départ, à raccrocher les wagons de ces intrigues multiples portées par les voix de nombreux personnages de l'histoire. Comme dans Le magicien, le premier roman de cet auteur, le début est un peu lent, et puis, sans qu'on ne s'aperçoive de rien, les liens se font et se défont, l'intrigue, voire les intrigues, accrochent et s’imbriquent pour finir par s'emballer. Les personnages comme leurs histoires viennent hanter les lecteurs : combien y a-t-il de Margaret, renommée Stella, à se vendre de force aux passants de Barbès ?
L'une des grandes forces de ce livre vient de son réalisme, celui de l'histoire, celui de ces hommes et femmes flics, qui sont assez loin des clichés habituels des romans policiers : ni Colombo, ni super héros de la gâchette, Souvira fait dans la "sobriété", sans sensationnalisme et sans "gore" autre que descriptif, voire clinique. Les personnages y compris secondaires sont, sauf exception (j'avoue avoir trouvé Sylvie aussi attachante que caricaturale...), aussi très crédibles (une mention particulière pour Dalmate, j'aime beaucoup !). Le second point fort de cet auteur, que j'avais déjà remarqué dans Le magicien, c'est la maitrise du rythme de l'histoire : l'auteur nous amène exactement là où il veut et seulement quand il le veut. Le lecteur a beau être omniscient, puisque disposant du regard et des actions de nombreux personnages, on reste surpris par la tournure des évènements, qu'on avait ou pas prévue ! C'est assez déstabilisant... mais réussi !
Enfin, et de façon très personnelle, j'ai voyagé au travers de ces enquêtes dans tout un tas d'endroits que je connais bien : la rue Guisard, où habite l'un des personnages, est la rue de mon coiffeur ; le Monteverdi fait un excellent risotto (la prochaine fois, je me laisse tenter par le mille-feuilles !) ; je passe devant l'IML à chaque fois que je me rends à la gare de Lyon, direction Aix-en-Provence, dont je suis originaire ; j'ai failli aller au collège Mignet (chez Souvira, il s'agit d'un lycée...) mais finalement, je suis allée à un autre, dans lequel ma meilleure amie du moment habitait Le Tholonet. Plus tard, mon lycée en étant proche, j'allais régulièrement déjeuner au barrage de Bimont... C'est franchement très plaisant de suivre tous ces évènements en connaissant les lieux !

Bref, Les sirènes noires, c'est vraiment bien ! Un grand merci aux éditions à Fleuve Editions et à Babelio pour m'avoir permis de renouer avec cet auteur que j'avais un peu perdu de vue !!!


Arrivés à un certain niveau, les emmerdements ne s'additionnent plus, ils se multiplient.