Accidents
de Olivier Bordaçarre

critiqué par Lucia-lilas, le 15 novembre 2016
( - 58 ans)


La note:  étoiles
Leurre fatal...
Le livre s’ouvre brutalement sur un accident de voiture : les pneus explosent, l’huile se mélange à l’essence, la fumée commence à se répandre. La passagère est semi-consciente. L’explosion semble imminente : elle doit trouver la force de sortir de là mais sa blessure l’empêche d’agir… La scène est terrible, remarquablement décrite et l’on sort de ce premier chapitre déjà un peu secoué, il faut bien le dire… Qui conduisait ? Qui était la passagère ? On ne le saura pas, en tout cas, pas tout de suite…
Le deuxième chapitre présente les personnages principaux : une gentille petite famille très bobos parisiens : lui, c’est Paul, homme au foyer, féru de cinéma et visiblement doué en cuisine (miam, les crevettes au piment d’Espelette et à la coriandre fraîche !)
Il s’occupe de tout : ménage, courses, bricolage, leçons, cours de musique, goûter, sorties, RV chez le médecin, réunions de professeurs, de copropriétaires… sans s’énerver, très cool, très classe… (Les gens comme ça, en dehors des romans, je ne sais pas où on les trouve…)
Anouck et Valentine sont les deux filles : ados de chez ados. Le portrait qui est fait des ces deux gamines est saisissant de vérité et qui possède ce genre d’individu chez lui se trouvera certainement rassuré de savoir qu’il n’est pas le seul à endurer le pire… Encore une fois, c’est excellent, les répliques sont très justes et très drôles (ça fait rire quand ça n’est pas chez soi…) Quant à la mère, elle s’appelle Julia Vélasquez, elle est psy et son cabinet se trouve dans son appart, rue Boulanger…
Leur voisin de palier, Sergi, est le frère de Julia. Il est peintre : son travail consiste à placer sur plusieurs toiles des « formes brunes patatoïdes d’environ cinquante centimètres de diamètre éclaboussées de taches blanchâtres. » On ne peut pas dire que Sergi soit tout à fait satisfait de son travail : il aurait préféré peindre comme Bacon mais une galeriste du Marais lui propose d’exposer… alors…
Tout ce petit monde vit sa vie presque tranquillement lorsqu’un jour, le gars Sergi se trouve nez à nez dans l’ascenseur de son immeuble avec la plus belle femme du monde (si, si !) : une belle rousse absolument irrésistible qui se rend… dans le cabinet de sa frangine !
Sergi tombe raide dingue amoureux de sa belle inconnue et est bien déterminé à savoir qui elle est… Et c’est là que les choses, comment dire… vont quelque peu se gâter… Ne comptez évidemment pas sur moi pour vous gâcher le suspense !
Est-ce que j’ai aimé Accidents ? Bien sûr ! Je me suis jetée dessus ! J’aime tout ce qu’écrit Olivier Bordaçarre et j’attends toujours avec impatience la sortie de ses livres… avec un coup de cœur particulier, je dois le dire, pour Dernier désir dont j’avoue ne m’être jamais totalement remise… Dernier désir m’avait intriguée, inquiétée, tendue à l’extrême… j’avais avalé ce bouquin en me demandant comment toute cette affaire allait finir. Un livre génial : une tension qui monte progressivement avec, toujours, l’évocation de la société et de ses valeurs (ou de son absence de) et de l’humour en prime.
Alors, oui, j’ai un peu moins aimé Accidents, même si je le classe quand même dans la catégorie des très bons. J’ai retrouvé l’humour de Bordaçarre dans la peinture de cette petite famille somme toute assez ordinaire et dans ses propos sur l’art… Je l’ai lu un peu comme un conte sur le thème du double.
En revanche, j’ai moins ressenti cette tension et ce mystère omniprésents dans Dernier désir, même si, vers la fin d’Accidents, mais peut-être justement un peu tard finalement, on commence à sentir se resserrer l’étau…
Je fais ma difficile parce qu’Accidents est incontestablement un bon roman que je n’ai pas lâché une seule seconde : les personnages sont attachants, l’humour décapant, l’écriture enlevée et superbe (certains passages sont de purs joyaux comme la baignade dans la cascade du Hérisson), la construction bien sentie, le portrait de la société virulent et très juste.
Merci encore, Monsieur Bordaçarre, pour ce grand plaisir de lecture… à quand le prochain ?
au 3ème étage de la rue Boulanger (Paris X) 7 étoiles

Selon le dictionnaire, un accident est un, je cite, "événement fortuit qui a des effets plus ou moins dommageables pour les personnes ou pour les choses". Olivier Bordaçarre a quant à lui bien raison de mettre un "s" à ce mot concernant le titre de son dernier roman.
Tout commence par un accident. On pourrait presque le mettre au pluriel, cet accident, tant il aura de conséquences sur le reste de l'histoire. Il s'agit en premier lieu d'un accident physique, un accident de voiture, avec des effets très dommageables sur la femme qui est à l'intérieur, puisqu'elle en portera les stigmates jusqu'à la fin de ses jours. Cette femme, on ne sait qui elle est, si elle conduisait ou était passagère, mais on la retrouvera plus tard. Ce premier accident aura bien d'autres effets, tout aussi dommageables pour tout un tas de personnes.
Et puis, un nouvel accident, aux effets nettement moins dommageables, pense-t-on, a lieu, à Paris, quelques années plus tard : Sergi tombe amoureux ! Sergi est un peintre d'origine espagnol, qui a son atelier (et sa couche de sédiments, nécessaire à sa création artistique) en face de l'appartement et du cabinet de psychanalyse de sa sœur. Et, comme dans la chanson de Calogero, en prenant l'ascenseur pour monter jusqu'à son atelier, il se retrouve en tête à tête avec un ange. Mais contrairement à la chanson, il ne se mélange pas les pinceaux (ce serait un comble pour un peintre) avec les chiffres et repère très bien que la femme fatale à la longue chevelure rousse dont il est sous le charme s'arrête comme lui au 3ème étage, et est une cliente de sa sœur !

Accidents est ma première incursion dans l'univers d'Olivier Bordaçarre, et c'est plutôt une belle découverte. J'y ai trouvé une belle écriture sensorielle, des dialogues familiaux plus vrais que nature, un sens du rythme plutôt bien maitrisé, de jolies réflexions sur l'art et l'artiste, et une touche d'humour pas désagréable. La première partie de l'ouvrage installe les personnages, l'histoire, amorce le suspense qui prendra le pas sur la seconde partie, plus intense. J'ai un peu moins aimé certaines facilités, comme l'artiste indépendant et coureur de jupon qui se transforme en "presque mari" modèle, le fait de tomber amoureux par "procuration", au travers de l'art, quelques personnages secondaires qui manquent un peu de finesse (le monde de la mode et de la publicité, par exemple), voire même une ou deux petites ficelles scénaristiques.
Ceci dit, j'ai trouvé ce livre de Bordaçarre très convaincant, agréable à lire, intéressant, et mystérieux. Une chouette découverte !

Ellane92 - Boulogne-Billancourt - 49 ans - 9 décembre 2016