Le léopard ne se déplace pas sans ses taches
de Bianca Joubert

critiqué par Libris québécis, le 7 novembre 2016
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Les Culs de sac humanitaires
Voyager en avion, en train ou en métro, c’est l’occasion de prendre le pouls des uns et des autres. Et pour une romancière, c’est l’occasion de préparer une trame en vue d’écrire un roman. Un roman sur le déplacement qui traîne son boulet au cœur d’activités qui ramènent les personnages au point de départ. Le titre l’indique bien. Le léopard ne se déplace pas sans ses taches. Comme le dit l’adage des scouts : « Scout un jour, scout toujours. »

Le contenu des bagages varie. Vraiment ? On l’expose, mais c’est un caméléon qui reflète une même réalité sous des angles divers. Peu importe les continents, la même souffrance défile sous des yeux impuissants et souvent indifférents. Et comme le dit le frère d’un enfant noyé qui avait pris place à bord d’un rafiot de la mort : « Il ne verra rien, je lui ai fermé les yeux avant de le rejeter à la mer. »

Du pays basque espagnol à Paris, du Sénégal aux îles Canaries, les estropiés de la terre se cherchent une planque pour se mettre à l’abri du malheur. Toutes les révolutions du monde ne sont pas encore parvenues à établir le lieu de l’homme. Les guerres ou l’exploitation des richesses l’acculent à des culs de sac qui lui défendent de prendre racine. Il est de nulle part, un apatride qui devient citoyen d’un monde aucunement inclusif. Et pourtant au fond de lui, il sent le poids d’une identité qui a ses appartenances à des ancêtres. Et chez les Québécois, on sent que les âmes ont été façonnées par ceux qui voyageaient en canot d’écorce et sur des trois-mâts.

Ce roman à la plume dense est porté par une poésie chargée d’un idéal identitaire qui soulagerait la pesanteur de vivre afin de donner à chacun la grâce de survivre.