Owen Hopkins, esquire
de Simon Roy

critiqué par ARL, le 19 octobre 2016
(Montréal - 38 ans)


La note:  étoiles
La malédiction du deuxième roman
Pour faire suite à son excellent livre "Ma vie rouge Kubrick" qui oscillait entre l'essai et la fiction, Simon Roy propose cette fois, selon les termes de son éditeur, un premier "vrai" roman. On constate toutefois qu'il récupère le style de son livre à succès: très courts chapitres, apartés encyclopédiques, construction par fragments, etc. Malheureusement pour lui, la mayonnaise ne prend pas deux fois. "Owen Hopkins, esquire" n'arrive pas à la cheville de son prédécesseur. Les personnages sont sans vie, peu crédibles et mal écrits. Comme pour rappeler sans cesse au lecteur qu'Owen Hopkins est britannique, Roy le fait s'exprimer dans une langue improbable et agaçante où le français et l'anglais s'entrecroisent constamment: "My son, I'm telling you, c'est pas facile la vie. I wish I could come back in the past et tout arranger avec ta mère." Je ne le cite pas, mais c'est tout comme.

Le problème, c'est que personne ne s'exprime de la sorte dans la réalité. Entre les chapitres dédiés au récit, l'auteur glisse des exposés presque didactiques sur le cycle de vie d'une plante (par exemple) ou des réflexions philosophiques sur le mensonge. Difficile de voir en quoi ces passages, qui paraissent exister uniquement pour bourrer des pages, servent l'histoire. Les observations de Roy sont bancales et insipides, le style fade et pesant. Une énorme déception de la part d'un auteur qui me semblait prometteur. On lui souhaite meilleure chance la prochaine fois.
Une prière pour Liam 5 étoiles

Comme dans Une prière pour Owen, qui fut un instrument de mort dans l’œuvre de John Irving, Simon Roy condamne ses personnages à se souvenir d’un jeune garçon décédé tragiquement dans un banc de neige (congère) transformé en igloo causant la perte de Liam en s’effondrant. La malheureuse petite victime est le frère cadet de Jarvis, le narrateur. Personne ne s’en est remis dans cette famille montréalaise. Le père est retourné en Angleterre, son pays natal, et la mère prit le chemin de l’asile psychiatrique.

Venu à Montréal en 1977, Owen Hopkins connaît sa femme en bordure du Mont-Royal. La mort de leur enfant vient rompre cette union. Ce serait probablement arrivé de toute façon. Ce mari n’était pas l’homme à convoiter. C’est un affabulateur qui a vécu de ses mensonges à l’instar du baron de Münchhausen. De retour à Kingston-upon-Hull en Angleterre, il devient joueur de vielle à roue dans un groupe post-rock. Mais un tel genre de mec côtoie plutôt l’irréparable, soit le meurtre de sa compagne. Derrière les barreaux, il s’attable à écrire des romans noirs qui connaissent du succès. Grâce à ses pirouettes, il parvient à tirer ses marrons du feu.

Pour une fois, la grande faucheuse a bien ciblé sa victime. Owen se retrouve mourant à l’hôpital où sa mort semble imminente. Il fait signe à son fils Jarvis qu’il n’a pas vu depuis vingt ans de venir à son chevet. Suite à un échec amoureux, il accepte de se rendre en Angleterre espérant trouver un peu de cohérence dans la vie de son père. Il rencontre un géniteur qui se sent apparemment coupable de la mort de Liam, le cadet. Joue-t-il au repentant ? Comme le mensonge a cousu le patchwork de son existence, que faut-il croire de ses sentiments ? Et Jarvis se pose aussi la question sur son frère mort dans une congère qu’il a transformée lui-même en habitacle précaire. Le deuil est difficile quand la culpabilité ronge les prétendus responsables de cette disparition fraternelle survenue en bas âge. Se remet-on de la mort des nôtres dans un tel contexte. ? Mais il restera que, pour Jarvis, cette visite à son père lui offre l’occasion de le connaître quelque peu.

Sur ce canevas, Simon Roy n’a pas brossé un tableau uniforme. La narration, écrite principalement en français mais aussi en anglais, s’entrecroise avec des fragments informatifs peu judicieux, comme ce chapitre sur le sens d’esquire emprunté à Wikipédia ou cet autre sur l’art de construire un igloo. L’auteur est trop généreux avec les entremets qui accompagnent le plat principal. Ça devient indigeste. Même les métaphores inspirées de la botanique, qui composent des chapitres à elles seules, sont parfois tirées par les cheveux. La dernière cependant, qui clôt ce fourre-tout, colle bien au théorème du mensonge que l’on démontre. Les immortelles résistent aux intempéries comme il en est de nos vies qui résistent à la vérité.

En terminant, on peut se demander pourquoi les auteurs recourent à deux langues pour écrire leurs romans. Ils veulent donner de la couleur à leurs personnages. Soit. Mais si ce sont des Chinois qui s’expriment en mandarin tout au long de l’œuvre, mieux vaut apprendre cette langue avant de la lire. 结束 (Fin)

Libris québécis - Montréal - 82 ans - 15 mars 2017