Les Diablogues et autres inventions à deux voix
de Roland Dubillard

critiqué par Fanou03, le 23 septembre 2016
(* - 48 ans)


La note:  étoiles
Brèves de comptoir
Dans ces savoureux Diablogues et autres inventions à deux voix, Rolland Dubillard nous propose une cinquantaine de saynètes animés exclusivement (sauf rare exception) par deux protagonistes anonymes, qu'on ne connaît que sous l'identité de "un" et de "deux". Les Diablogues, dont les introductions relèvent en général de situations plutôt banales (une partie de ping-pong, une leçon de piano, la décoration d’un arbre de Noël,...), sont irrigués par un extraordinaire humour absurde qui vient exploser le cadre du langage et de l’espace-temps.

En effet, à partir d'apparentes discussions qui pourrait s'apparenter à de simples brèves de comptoir, Roland Dubillard construit de merveilleuses variations autour de la distorsion littéraire de la réalité. L’étrangeté que prend la tournure des évènements auxquels sont soumis un et deux, la drôlerie des réparties par lesquelles se répondent au tac-au-tac les deux protagonistes, dans un débat parfois complètement déjanté défie la logique ordinaire. Bien sûr certains sketchs sont plus réussis que d’autres, et quelques uns d'entre-eux apparaissent un peu datés par le vocabulaire employé, mais la plupart sont vraiment un régal pour l'amateur de non-sens.

Roland Dubillard explore en particulier la dimension spatiale et temporelle (voir le magnifique et émouvant "La poche et la main"), le rapport au corps, interroge nos façons diverses d’appréhender le monde à travers des quiproquos et des paradoxes. La culture (théâtre et musique en particulier) est une thématique qui tient également une place importante dans les Diablogues (comme dans "Tragédie classique", "Le Concert" )., où l'auteur taquine (très gentiment) un certain establishment.

Le ton est plutôt léger et joyeux, voire poétique (voir Dialogue sur le palier, avec la recherche du Gobedouille, un mystérieux oiseau amateur d’électricité qui n’existe pas), parfois mâtinée d’humour noir (surtout sur la fin des inventions à deux voix). La proximité des Diablogues avec les textes de Devos est assez évidente : même non-sens, même plaisir de jouer avec les mots.

Ce qui est intéressant aussi dans les Diablogues , c'est qu'à l'instar d'un numéro de clown dont l’intérêt premier est évidemment son effet comique et divertissant, il possède aussi sa face sombre. Les discussions méandreuses de un et de deux, qui ne sont jamais d'accord sur leur interprétation des choses, semblent en effet montrer l'impossibilité définitive de saisir tout à fait le réel du monde qui nous entoure.