La preuve
de Agota Kristof

critiqué par Jules, le 25 mars 2004
(Bruxelles - 80 ans)


La note:  étoiles
La seconde occupation
Ce livre est le second volume de la trilogie. La guerre est finie et l’occupant d’hier est très vite remplacé par un autre. Ses soldats sont partout, violent et volent, alors que les portraits de son dirigeant inondent les murs et les places de la petite ville de Lucas. Celui-ci se sent terriblement seul suite au départ de Claus, son frère jumeau, pour l’étranger.

Pour combler cet « horrible vide » il s’occupe de plus en plus du vieux curé qui ne se nourrit plus et perd ses forces. La religion n’est plus soutenue et les paroissiens disparaissent. Un soir, alors que la rivière est gelée, il entend des pleurs à côté de chez lui. Il s’approche et trouve une jeune femme avec un bébé de quelques jours dans les bras. Elle envisageait de jeter son enfant à l’eau, mais n’en a plus le courage. Lucas recueille la mère et l’enfant chez lui. Alors que la mère est une très jolie jeune femme, il apparaît très vite que l’enfant sera difforme. Il est le fruit d’un terrible péché.

Quelques mois plus tard, Lucas fait la connaissance d’une autre femme qui pourrait presque être sa mère. Elle est belle aussi mais complètement minée par la perte de son mari. Il a été pendu pour haute trahison par l’occupant. Il devient son amant.

Un jour, la mère du petit Mathias disparaît en lui laissant l’enfant. Il s’en occupe vraiment comme un père et lui donne énormément d’affection.

Le vieux curé, à bout de forces, quitte le village pour entrer dans un home pour vieillard. Lucas va se créer de nouvelles amitiés dont celle du secrétaire local du parti, le jeune Peter, ainsi que le vieux libraire. Ce dernier n’a qu’une seule idée en tête : écrire un livre. Selon lui, chaque homme se devrait d’écrire un livre. Faute de l’avoir fait, il ne laisserait aucune trace de son passage sur terre.

Et le temps avance… Le régime va-t-il rester ce qu’il est, Claus va-t-il un jour pouvoir revenir ?… Que sera devenu Lucas ?…

Ce livre a un ton légèrement différent du premier dans la mesure où il est moins analytique et froid. Lucas ne forme plus un bloc compact et impénétrable avec son frère. Il est devenu plus humain aussi avec l’apparition de l’enfant et son amour pour Clara. L’écriture d’Agota Kristof est donc différente de celle du premier volume, elle s’est réchauffée.

Et toujours l’envie de se ruer sur le troisième et dernier volume de la trilogie pour connaître la fin de cette histoire.
TOUJOURS AUSSI BEAU, TOUJOURS AUSSI FORT ! 10 étoiles

Contrairement à certaines critiques précédentes, j’ai trouvé ce deuxième tome de la «Trilogie des jumeaux » tout aussi fort et beau que le premier volume. Certes oui, l’écriture y est différente, notamment à cause de la disparition du fameux « nous » qui habitait, hantait envahissait littéralement, tout le premier volume… Mais c’est ici une obligation qui s’est imposée à Agota KRISTOF, puisque un des personnages principaux a disparu… et je trouve qu’elle s’en sort plus que bien!...

Je ne reviendrai pas sur l’histoire, déjà abondamment commentée, je me contenterai juste de dire, que le livre se situe bien dans la continuité du premier, la talent de conteuse de l’écrivaine est toujours aussi beau, toujours aussi intact, et on se surprend à tourner les pages de plus en plus vite, afin de connaître la fin de l’histoire!...

Et toujours cette incroyable mais magnifique écriture, -dure, sèche, aride, époustouflante de beauté et de modernité qui restitue à merveille, et nous fait entre de plain-pied dans la vie, l’atmosphère, dans cet ancien pays de l’Est (on reconnaît ici, sans peine, la Hongrie d’avant 1989, même si jamais nommément citée par l’auteur…) -et qui justifierait, pour elle, et à elle seule la lecture de ce livre !...

Un grand, très grand livre, je n’ai rien à en dire de plus…

Septularisen - - - ans - 21 juillet 2012


Pas aussi fort 7 étoiles

Même si l’auteure aborde un de mes thèmes fétiches et que l’histoire est plus complexe, c’est moins le cauchemar à la puissance mille du premier tome.

Nance - - - ans - 22 septembre 2010


Un peu moins de cruauté mais un peu plus de remplissage 7 étoiles

Maintenant que le lecteur connaît le style "Agota Kristof", l'auteure ouvre directement son deuxième volet avec la mort du père des deux jumeaux qui n'a pas réussi à passer la frontière. On replonge vite dans cette atmosphère morose, déshumanisée et sans fin que l'on languissait malgré nous de retrouver au plus vite.

Mais ce deuxième tome est assez différent du premier. Tout d'abord dans sa narration plus évènementielle faisant vivoter quelque peu ses personnages et en particulier lucas qui se retrouve seul dans un monde jouant à la chaise musicale. Ensuite, "La Preuve" comporte plus d'échanges humains. Le jeune Lucas s'extériorise et met tout son apprentissage de la vie au profit de ceux qu'il a envie d'aider, et cela avec une grande maturité (On pourra tout de même trouver que ces dialogues traînent un peu en longueur quelque fois).

Agota Kristof excelle quand elle nous fait rentrer dans la peau de ses personnages. L'univers de Lucas, plein de responsabilités croissantes, se présente comme un microcosme déconnecté d'une réalité trop difficile à embrasser, en quelque sorte un réservoir (avec ses fuites tout de même...) de bonté et de vertu. La tragique histoire de Victor et de sa soeur est également des plus touchantes. Le passage où celui-ci conte comment il a tué sa soeur confère au génie et nous émeut au plus haut point. La pauvre existence de Yasmine et de son fils Mathias viennent noircir un peu plus le portrait...

Bref, "La Preuve" est plutôt une réussite même s'il présente quelques longueurs. Comme dans "Le Grand Cahier", il nous envoie des petits pics là on l'on ne s'y attend pas. La fin, que certains trouvent "bâclée" est au contraire une réussite. Non pas dans le sens où elle donne envie de lire le troisième tome, mais plutôt dans le portrait qu'elle nous donne des deux jumeaux qui se retrouvent étrangers chez eux. En somme, c'est l'inverse de la situation d'aujourd'hui. Claus se retrouve étranger, voire inconnu dans un pays où il possède toutes ses racines et tous ses souvenirs, seul le côté officiel l'empêche d'appartenir à son pays.
C'est également grâce à cette fin et à l'atmosphère qu'elle véhicule, que le livre reste imprimé dans notre tête.

Baader bonnot - Montpellier - 41 ans - 4 février 2009


Deuxième volet toujours aussi réussi 9 étoiles

L’écriture est toujours aussi concise, glaçante. Un minimum de mots qui assènent des coups violents. Ils sèment le doute aussi. Le doute sur l’existence d’un jumeau. Le doute sur la nécessité de vivre sans son double, ou la nécessité de le laisser vivre au contraire.

Ce deuxième volet est plein de désillusion, terriblement pessimiste. On ne sait plus où Agota Kristof veut nous mener, mais on la suit, totalement hypnotisés par l’histoire des ces jumeaux, de ce pays totalitaire et effrayant.

Le troisième volet, « Le troisième mensonge » ouvrira peut-être des portes plus optimistes ?

Amanda m - - 57 ans - 7 février 2008


Impossible de s'arrêter 8 étoiles

On ne peut pas s’embarquer dans le Grand Cahier sans se lancer dans chacun des trois volumes les uns après les autres… Chaque fois, j’ai dû courir pour me procurer le suivant, car bien que certains n’apprécient pas trop les fins en petits points de suspension, moi j’aime bien cet engouement pour connaître la suite de l’histoire !

Ici, je me suis d’abord sentie un peu perdue au départ. Les jumeaux s’étant séparés, le grand cahier semble relégué aux oubliettes et l’histoire n’est plus écrite au «nous» ni même au «je», mais bien à la façon du narrateur absent comme dans la plupart des romans. Le style de l’écriture se ressemble toutefois, même si ce ne sont plus les jumeaux qui s’imposent les règles de l’objectivité. En effet, tout semble retranscrit de manière aussi neutre et distante que dans le Grand Cahier. Malgré cette coupure entre les deux volumes, j’ai bien vite repris le fil de l’histoire, peut-être même avec plus d’enthousiasme que dans le Grand Cahier… Les petits chapitres étant maintenant éliminés, je pense qu’il est encore plus facile de se laisser emporter au fil des pages.

Gabri - - 38 ans - 17 octobre 2007


Sordide désillusion 8 étoiles

Second volume de la trilogie d'Agota Kristof, "La preuve" nous entraîne sur les traces de l'enfoncement de Lucas dans une certaine forme de noirceur et de désillusion sordide. Il y a bien sûr aussi le retour de Claus, mais celui-ci intervient en fin de récit et ne représente pas l'essentiel à mes yeux. Ce qui compte, c'est ce lent et long processus qui emprisonne Lucas, dont le coeur s'endurcit envers et contre tout et qui ressent pourtant des émotions humaines qui le font souffrir. Terriblement. Au point de voir encore plus se déshumaniser dans le but de se créer ue carapace. A force de ne pas vouloir souffrir, on fait souffrir et cette souffrance, Lucas la maîtrise sur le bout des doigts, mais en est-il vraiment responsable? Lucas ressemble à un monstre robotisé à qui on aurait donné la vie, devant faire face à des situations et des comportements qui le dépassent.

La fin de cette seconde partie, à savoir l'arrivée de Claus, qu'on prend pour Lucas (il en joue) ne m'a rien apporté, je l'ai même trouvée un peu bâclée. Je me serais volontiers contentée de ce puissant portrait de Lucas sans voir arriver cette pirouette qui me fait penser à un feuilleton télé avec la sempiternelle mention "A suivre".
Coup de chapeau par contre pour tout ce qui entoure le personnage, l'histoire de ce pays imaginaire au régime totalitaire, de ces gens qui vivent avec la peur et la misère comme seule nourriture quotidienne. Par ses mots simples et forts, Agota Kristof donne beaucoup de vie à ce contexte et c'est indissociable du destin de Lucas.

Sahkti - Genève - 50 ans - 19 juin 2006


Dérangeant II 10 étoiles

Tout comme le premier bouquin de la série « Le Grand Cahier », j’ai aussi adoré la suite, sinon plus. On y retrouve la même atmosphère glauque et absurde qui accroche comme des hameçons.

Aaro-Benjamin G. - Montréal - 55 ans - 26 novembre 2004


Suite du Grand Cahier 8 étoiles

Après "Le Grand Cahier", la preuve. L'atmosphère est toujours aussi étrange et envoutante. Déprimante aussi dans ce contexte de pays totalitaire replié sur lui même et dont les habitants doivent trouver d'autres raisons de vivre qu'être bêtement heureux. Survivre par exemple. KRISTOF nous trimbale de bout en bout et nous laisse peu de chances de comprendre réellement ce qui se passe dans cette affaire de jumeaux. On reste envouté et ce qui reste après lecture, ce n'est pas l'histoire, c'est l'atmosphère dans laquelle elle trempe et c'est bien ça qui est magique.

Tistou - - 68 ans - 20 juillet 2004