Le Passage des éphémères
de Jacqueline Harpman

critiqué par Lézard, le 22 mars 2004
(Genval - 39 ans)


La note:  étoiles
Littérature éphémère?
Prenant le parti de la fiction pour mieux saisir le réel, Harpman explore une nouvelle facette du psycho-fantastique dans ce nouveau roman où l’air du temps s’impose en principal personnage.

Année 2002. Milieu de l’astronomie. Attentes et pérégrinations sentimentales de quelques comparses scientifiques. Elle, Adèle, blanche et jolie, personnage angélique, en est à son énième personnalité : elle est née il y a plusieurs siècles. Voilà qu’elle doit se débattre entre profonde envie de se mettre à nu et, maintenant que les bûchers ne sont plus à craindre, exposer sa différence, avec un autre sentiment, sous-jacent, de vouloir perpétrer une liaison « sectarisante » avec l’autre Immortel, Jean-Baptiste.

L’immortalité pour parler de notre manque de temps. Une idée originale très tentante et qui, dès la première page tournée, se doit de remplir les attentes du lecteur. Sujet néanmoins tellement vaste que le choix des quels points aborder était primordial. Par conséquent, plutôt que de faire rêver, Harpman enfouit le lecteur dans un carrousel miséro-discordieux aux conversations désuètes et intrigues hors-sujet. Et puisqu’il est à la mode de mettre en scène des homosexuels, Harpman n’échappera pas au « trendy » et ajoutera au théâtral Chabrolesque une touche faussement pudibonde de sexe au masculin. La musculature de l’idée ne tient pas face à une telle niaiserie même si la frustration n’est pas de suite exprimable car fort heureusement restent, certes, passages moins éphémères.

Le roman rend plutôt compte du passage d’un auteur vers une modernité anachronique. Difficile pour le lecteur contemporain de s’extasier devant la promptitude efficace de l’e-mail, et, si le roman par Lettres étaient à remettre au goût du jour, cet essai-ci ne restera sans doute pas gravé. Au même titre que les deux protagonistes, Harpman semble s’être assoupie il y a quelques décennies et nous rabâche une littérature vieillotte au style poussiéreux, emballé dans du papier Microsoft. Dommage…
Déception... 4 étoiles

Jacqueline Harpman a habitué ses lectuers à fouiller l'âme et à mettre à nu les sentiments de ses personnages avec beaucoup de subtilité et un regard aigu. La déception est d'autant plus grande au passage de ces éphémères qui paraissent bien inconsistants.
On cherche en vain entre les lignes de ces e-mails (mise au goût du jour du roman épistolaire) une ligne de force qui donnera corps à cette histoire relativement inexistante.
Et s'il est à première vue séduisant de suivre la destinée hors du commun d'Adèle l'immortelle, la drnière page laisse malheureusement sur une interrogation frustrante : qu'a donc voulu dire Jacqueline Harpman?
Reste le plaisir de l'écriture, toujours élégante, mais bon, parler pour ne pas dire grand-chose, même avec élégance, est-ce bien la peine?

Isaluna - Bruxelles - 67 ans - 31 août 2004


Si Candide pouvait vivre mille ans 7 étoiles

"Le passage des éphémères" est un roman par lettres et un conte philosophique dans la tradition du Candide de Voltaire. Adèle, jeune astrophysicienne, stagiaire à l'observatoire d'Uccle et portant allègrement ses 5 siècles d'existence, observe avec une ironie amusée l'agitation de ses collègues: déboires sentimentaux, jalousie, excitation au moment de l'achat d'une maison... Vieille routarde des sentiments et des relations humaines, Adèle connait tout ça par coeur mais prend tout de même un grand intérêt à démonter les rouages et les mécanismes à l'oeuvre dans la conscience - ou le subconscient - de ses collègues. Tout cela nous est raconté dans un style vif et enlevé via les lettres qu'Adèle envoie à son comparse Jean-Baptiste, plus vieux routard encore puisqu'il porte de façon un peu désabusée un millénaire passé à arpenter notre planète.

Jacqueline Harpman effleure dans ce roman quelques questions importantes: le rejet de la différence, ce qui donne sens à une vie humaine , l'importance des sentiments mais aussi leurs fluctuations, la soif de savoir et le comportement auto-destructeur d'une espèce humaine mue uniquement par la soif d'une jouissance immédiate... Qualité et défaut du livre à la fois: Jacqueline Harpman ne fait qu'effleurer tous ces thèmes d'une main légère. Cela nous vaut un très agréable divertissement, par moment franchement drôle et très très bien écrit, dans une langue irréprochable. A propos du style, oserais-je lancer une pique - amicale - à mon collègue Lézard... J'ose: je crois que Jacqueline Harpman ne commettrait pas l'erreur d'écrire "perpétrer une liaison", comme tu l'as fait dans ta critique. On peut perpétrer un crime ou un délit, oui, mais je ne crois pas qu'en ce début de XXIème siècle dans notre société occidentale, il se trouve encore grand monde pour considérer qu'une liaison entre deux adultes (très largement "majeurs et vaccinés"), par ailleurs libres de toute attache, rentre dans l'une de ces deux catégories ;-).

Fee carabine - - 50 ans - 9 août 2004