Histoire du Festival d'Avignon
de Antoine de Baecque, Emmanuelle Loyer

critiqué par Agnesfl, le 9 août 2016
(Paris - 59 ans)


La note:  étoiles
Un des plus grands moments de culture mondiale
Histoire du Festival d'Avignon
Emmanuelle Leroy, Antoine de Baecque


Livre enrichissant et rigoureux côté écriture que cette " Histoire du Festival d'Avignon" crée par Jean Vilar sur une idée de René Char lors de la semaine d'Art du 4 au 10 septembre 1947. " Richard II" joué dans la nuit sur un plateau presque nu dans la Cour du palais des Papes lance cette 1ère édition et Shakespeare devient le plus fidèle allié de Jean Vilar. Contrairement à la légende, cet endroit ne l'avait pas vraiment séduit. Il estimait que techniquement cette cour était un lieu théâtral impossible. Inventeur du système du double plateau, il fait jouer dans les premières années plus de pièces modernes que de classiques. Ensuite, cela évolue différemment, particulièrement de 1952 à 1963. Rêvant de réunir tous les arts, son festival dont l'esprit est rétif au vedettariat n'est pas à la portée de toutes les bourses puisque le prix des places varie de 150 à 700 francs.
Lorsqu'à la mort de Louis Jouvet, il dirige le TNP, son discours change avec un théâtre plus populaire. Il présente sa démission en 1953, mais une pétition contenant plusieurs milliers de signatures l'incitant à rester le convainc de continuer. Désormais, il impose ses conditions avec une nouvelle étape lors du Festival 1954. Insistant constamment sur le rythme, sur l'importance de bien articuler, et de ne pas surcharger le texte, il crée en 1955 les rencontres internationales de jeunes avec en 1960 quarante et un pays représentés. Jorge Lavelli faisait partie du groupe. En 1967 pour la 1ère fois, des spectateurs pourront se rencontrer en sortant de différents spectacles joués simultanément. 1968 voit débarquer un mouvement gauchiste venu de Paris avec contestations, tracts destinés à donner une scène au politique. Après 68 c'est l'éclosion de nombreuses petites compagnies théâtrales, et en 1969 le théâtre du soleil est un des atouts majeurs de Jean Vilar. Le théâtre lyrique naît à Avignon et se développe dans les années 70. Vilar meurt d'une crise cardiaque le 28 mai 1971 en pleine préparation du 25ème estival. Paul Puaux lui succède avec pour mission de continuer ce qu'a entrepris Vilar. La décennie 70 instaure la naissance du off avec comme vedettes "Les Mirabelles" une troupe de travestis. Il faut attendre 1978 pour que Vitez s'impose en proposant quatre pièces de Molière.
Bernard Faivre d'Arcier prend ensuite le relais pour cinq ans avec notamment la création de la Maison de théâtre qui siège le temps du Festival au Centre des Congrès du palais des Papes, et la création de la vidéothèque du théâtre prenant place à la maison Jean Vilar. Bernard Faivre d'Arcier démissionne le 19 juin 1984 remplacé par Alain Crombecque traité de " drôle de type par le magazine " Télérama". Avec comme principale nouveauté le développement du mécénat d'entreprise. En 1985 Ponge devient le 1er poète du festival avec après chaque année un écrivain. Les années Crombecque sont surtout importantes pour deux dramaturges contemporains : Heiner Müller et Valère Novarina, ce dernier restant un habitué du festival pendant 20 ans. Une date importante est à noter le décès d'Antoine Vitez le 30 avril 1990 ce qui constitue la fin d'une époque pour le théâtre français et pour Avignon.
De 97 à 2003 Bernard Faivre d'Arcier dirige de nouveau le festival avec une ouverture de plus en plus prononcée vers le théâtre étranger. En 2003 pas de festival à cause de la grève des intermittents.
2004-2013 deux jeunes directeurs : Vincent Baudriller et Hortense Archambault qui changent d'invités tous les ans. Le festival 2005 fait naître de violentes attaques de la part de la presse et des professionnels du théâtre. En revanche 2008 est considéré comme un grand millésime. 2012 célèbre dignement le centenaire de Jean Vilar.
Puis en 2014 Olivier Py, ex directeur du théâtre de l'Odéon reprend les rennes du festival avec un théâtre populaire, et une place éminemment politique du théâtre dans la cité. Olivier Py croyant en la démocratisation de la culture vise un nouveau public (jeunes, public scolaire ) et même un public qui ne va jamais au théâtre. Refusant la vision post dramatique qu'il trouve trop binaire, il accueille tous les metteurs en scène. Ecrivain, acteur, metteur en scène, il propose aussi ses propres spectacles. L'édition 2005 met en place l'ouverture du jardin Ceccano avec tous les jours à midi la lecture de la " République de Platon.
Une belle rétrospective de ce festival où le mistral a sa part à jouer, et où le public un peu particulier n'a pas peur d'endurer des heures de queue dans la chaleur, ou des conditions climatiques pas toujours des plus faciles. Dans cet ouvrage, on voit les difficultés qu'ont pu avoir les différents directeurs, par exemple des problèmes parfois avec la municipalité, ou des désordres sur la voie publique. Ou des réactions d'intermittents…On peut imaginer grâce à des descriptions détaillées quelques-uns des plus beaux spectacles qui ont eu lieu. Quant aux nombreuses et belles photos présentes dans ce livre, elles ne font que nous faire rêver davantage. Vraiment un moment jouissif de lecture…
Agnès Figueras-Lenattier