L'Homme à la découverte de son âme
de Carl Gustav Jung

critiqué par Saule, le 16 mars 2004
(Bruxelles - 59 ans)


La note:  étoiles
L'étranger qui sommeille en nous
La plus grande aventure de notre vie est peut-être bien celle de partir à la découverte de notre âme. Il peut même s'agir d'une question de vie ou de mort (mort de l'âme s'entend) : soit qu'à un stade de notre vie on arrive dans une impasse, soit que notre ancien "Moi" (le Moi est le centre de notre conscience) s'effondre, il est des cas ou il nous faudra écouter cet inconnu qui sommeille en nous sous peine de le voir se révolter avec toute les névroses que cela implique.

Pour découvrir cette âme il nous faudra sonder ce gigantesque océan intérieur qu’on appelle Inconscient, et personne mieux que Jung n'a compris et décrit mieux ce monde fascinant. Évidemment tout est aussi une question de moment et de plus chacun appréciera Jung en fonction de son propre vécu. On dit que Jung parle plus aux personnes ayant atteint un certain âge (typiquement le midi de la vie), âge auquel les aspects purement matériels de l'existence passent au second plan pour laisser place à des questionnements plus métaphysiques.

Après ce préambule, je donnerai juste un aperçu de ce livre qui présente de manière claire et lisible une solide introduction à la pensée de Jung.

L'inconscient est par définition ce qui nous est inconnu, il contient tout ce qui n'est pas arrivé à notre conscience, mais ça ne l'empêche pas d'être là et d'exister ! Jung insiste beaucoup sur la réalité des phénomènes psychiques. Il attache une grande importance à l'inconscient, ainsi pour nous guider dans la vie celui-ci se voit conférer un rôle aussi important que le conscient.

En effet notre conscient n'est jamais qu'un petit îlot qui émerge, et encore seulement par intermittence, de l'océan de l'inconscient. Notre conscience est fragile et elle est toujours en péril d'être submergée par les abîmes de l'inconscient qui l'enserre (personne n'est à l'abri d'une névrose). Ce vaste océan est constitué pour une petite part seulement de notre inconscient personnel, la plus grande partie étant constitué de l'inconscient collectif qui est le réservoir des archétypes.

Il traite également des complexes psychologiques, irruptions de l'inconscient dans la conscience, qui dans les cas extrêmes peuvent se dissocier et devenir autonomes. Tout le monde a déjà expérimenté des situations dans laquelle on "rejoue" un épisode important de notre vie consciente, par exemple un entretien avec quelqu'un, en s'imaginant les réparties qu'on aurait pu donner. Dans les cas extrêmes de dissociations on parle de personnalité schizoïde.

Il y a aussi le phénomène fascinant des projections. Ces projections peuvent causer dans les meilleurs des cas les coups de foudre (ainsi l'homme projette l'image de la femme idéale qu'il porte en lui sur quelqu'un). Mais dans le pire des cas ils sont responsables de notre haine et rejet des étrangers (car les étrangers sont ceux sur lesquels on projette notre "ombre"). Ces projections « mettent notre âme en pillage » puisque par ce mécanisme on se désapproprie des contenus qui nous sont propres. Dans cette partie Jung traite également des types psychologiques, les introvertis qui sont tournés vers l’intérieur et les extravertis qui regardent vers l'extérieur et de la compensation (sorte de régulation psychique).

La seconde partie traite du non moins fascinant domaine des rêves. En chacun de nous il y a un étranger, notre inconscient, et celui-ci nous parle à travers les rêves. A des patients qui venaient le consulter pour un problème, Jung avait coutume de dire : "Voyons un peu ce que nous disent vos rêves sur votre problème". Il y a différent types de rêves : des rêves compensateurs, des rêves réducteurs et, les plus intéressants, les rêves prospectifs. On est loin chez Jung de la conception du rêve de Freud, qui voit principalement dans le rêve l'expression de nos désirs refoulés. Pour Jung le rêve ne se cache pas : il dit exactement ce que l’inconscient veut nous révéler, tandis que Freud y voit plus une façade.

Voila un bref aperçu, forcément réducteur, de ce livre formidable. Sans épuiser le sujet, il permet d'avoir une solide introduction à la pensée de Jung, et le lecteur pourra poursuivre sa recherche, en fonction de ses envies, dans d'autres livres de Jung plus pointus. Personnellement c’est le meilleur des ouvrages introductifs à Jung que j’ai lus.

Celui qui a sondé son propre domaine inconscient aura un autre regard sur lui-même, un regard empreint de bienveillance, et forcément son regard sur les autres en sera aussi transformé.