Tes pieds je les touche dans l'ombre
de Pablo Neruda

critiqué par Septularisen, le 29 juin 2016
( - - ans)


La note:  étoiles
Et je marche dans la forêt entouré d’éléphants blessés
On ne présente plus le grand poète chilien Pablo NERUDA (1904-1973) sans doute un des plus célèbres poètes du XXe S. M. Jacques ANCET nous propose ici une traduction très poétique de ce recueil bilingue posthume, composé d’inédits de du poète retrouvés par la fondation Pablo NERUDA.

Comme souvent avec ce type de livres, et bien que cela ne soit pas un « fourre-tout » quelconque de variantes d’autres poèmes, le livre est d’un intérêt parfois inégal. On ne peut évidemment pas s’attendre à un recueil de la qualité du « Chant général », étant donné qu’il est composé de reliques composites souvent retrouvées miraculeusement.

On y retrouve, toutefois, les thèmes de toujours si chers au poète chilien, l’amour : «Obscure est la nuit du monde sans toi mon amour…» ; la patrie : «…un drapeau que les siècles ont peu à peu teinté à force de sang et de supplice» ; la nature : «…feuilles d’eucalyptus // courbes comme // des lunes ensanglantées…» ; le monde : «…c’était le printemps de la Terre // qui fleurissait pour la première fois, // qui conquérait le ciel inanimé // laissant dans les hauteurs // la semence // de l’homme.» : sa biographie : «…Je ne connais // ni l’écriture ni la main // de celui qui a écrit cette phrase…» ; le poète «…ils me jettent à la figure, // ce qu’ils sont ils me le montrent, // ce qu’ils cachent ils me l’aboient.» ; les voyages : «…émigre comme il peut, // change d’étoile comme de chemise » ; l’être humain : «…tes petits // pieds t’ont conduite // descendant // marche après marche // jusqu’à mon cœur…» ; les travailleurs : «…le héros revient de l’oubli, // le pauvre d’un seul jour en moins…», et bien d’autres encore…

Mais, laissons parler le poète, avec un poème écrit le 11 avril 1961, sans doute pour le recueil «Mémorial de l’Île Noire», mais où il n’a finalement, - sans que l’on sache pourquoi d’ailleurs -, pas été inclus.
Pablo NERUDA nous parle ici de sa jeunesse, de la ville de Santiago, des bouleversements politiques et sociaux de cette époque, de la police qui réprime violemment les manifestations :

J’ai roulé sous les sabots, les chevaux
sont passés sur moi comme des cyclones,
ces temps-là avaient leurs drapeaux,
et sur la passion étudiante
arrivait sur le Chili
du sable et du sang des salpêtrières,
du charbon des mines dures
du cuivre avec notre sang
arraché à la neige
et ainsi changeait la carte,
cette nation pastorale se hérissait alors
d’une forêt de poings et de chevaux,
et avant mes vingt ans m’est venue,
au milieu des matraques de la police,
la pulsation
d’un vaste cœur souterrain
et défendre la vie des autres j’ai su
que c’était défendre la mienne
et j’ai connu des compagnons
qui allaient me défendre pour toujours
car ma poésie avait reçu,
à peine égrenée,
la médaille de leurs douleurs.

A la fin du livre le lecteur découvrira un dossier qui présente la reproduction en Fac-similés de certains des manuscrits des poèmes présentés. Je dois avouer que c’est très instructif et très intéressant. J’ai notamment été impressionné par le peu de ratures présentes dans les textes, preuve de l’extraordinaire force créatrice et de l’inspiration inépuisable de l’auteur ! Il y a aussi des notes et des commentaires sur les poèmes présentés expliquant notamment quand ils ont été écrits et où ils ont été retrouvés.

Un livre inédit pour découvrir un NERUDA spontané, dans une version «brut de décoffrage», comme je ne l’avais jamais lu !...

Rappelons que Pablo NERUDA a été le lauréat du Prix Nobel de Littérature en 1971 et le lauréat de la Couronne d’or des «Soirées poétiques de Struga » en 1972.