Epitaphes
de Tom Noti

critiqué par Denisarnoud, le 22 juin 2016
( - 52 ans)


La note:  étoiles
Epitaphes de Tom Noti
Bordeaux, 1955. Charles est un petit garçon discret, craintif. A l’école ce n’est pas une lumière. Il est solitaire, bizarre, c’est le souffre-douleur de ses petits camarades. Une seule personne s’intéresse à lui, Amélie-lunettes, élève à l’école des filles, de l’autre côté du grillage. Elle aussi est rejetée par les autres élèves. Mais qu’elle est agaçante cette Amélie à poser tant de questions.

Claire Aymond-Dugain, la mère de Charles, est une belle femme distinguée. Elle élève seule son fils. Une éducation pleine de principes. Du père, on ne sait rien. Quand on lui pose la question, Charles répond qu’il est voyageur. Claire est une femme pieuse qui occupe ses journées à assister aux enterrements. Elle se méfie de tout le monde, surtout de ceux qui ne sont pas de son rang social. Quand elle rentre, il faut que tout soit impeccable dans la maison, c’est le travail de Charles. En rentrant de l’école il doit s’occuper de ses devoirs et du ménage. Les occupations de sa mère la fatiguent tellement. Charles, de son côté, ne veut surtout pas décevoir sa mère qu’il aime profondément.

« Ma réussite scolaire relevait de ma seule responsabilité. Elle me répétait suffisamment que je devais bien travailler à l’école, qu’elle désirait que je sois irréprochable.
Je savais aussi que j’étais prêt à donner un bras ou une jambe pour l’être vraiment, irréprochable.
Quoique… M’aurait-elle aimé handicapé ? »

Mais un jour, poussé par la curiosité, il va faire une grosse bêtise.

Lille, 1969. Henry est un instituteur entièrement dévoué à son sacerdoce. Il vit seul, n’a pas d’amis, ses seuls contacts outre ses élèves sont ses parents adoptifs Rose et Damien, qu’il vénère. Il se lie d’amitié épistolaire avec un instituteur de Vire qui a pour projet de faire correspondre des élèves des quatre coins de la France. Cet homme a une drôle de passion, parcourir les cimetières pour y dénicher des épitaphes originales. Il va communiquer cette passion à Henry. Un jour, inquiet du comportement d’un élève et de ses résultats, il va convoquer ses parents. Le père violent, ne supportant pas qu’on lui dise comment s’occuper de son fils va réagir de manière brutale. En rentrant il tue sa femme et son fils. L’école d’Henry, suite à ce drame fait la une de l’actualité. Ce fait divers va bouleverser sa vie.

L’école d’Henry est sous le feu des projecteurs. Un jour Henry est interpelé par une jeune femme. Elle l’a reconnu sur une photo dans le journal. Elle a des révélations à lui faire. Cette jeune femme c’est Amélie-lunettes. Elle lui annonce qu’il n’est autre que Charles Aymond-Dugain. Henry qui ne se souvient de rien avant ses onze ans est bouleversé par cette information. Avec l’aide d’Amélie, il va partir sur les traces de son passé. Il veut comprendre ce qui est arrivé au petit Charles, reconstituer le puzzle, faire le lien entre ses deux vies.

J’ai lu Épitaphe quasiment d’une traite. Les personnages de Charles/Henry et d’Amélie sont très attachants. On suit pas à pas leurs avancées dans la reconstitution du passé oublié du jeune homme. Amélie, cette adorable emmerdeuse va tout faire pour rendre à son ami son identité, pour qu’il comprenne qui il est. L’histoire est sordide mais le roman ne l’est pas. Épitaphes est un livre émouvant, plein de tendresse et d’humour, notamment grâce au personnage d’Amélie. Menez vous aussi l’enquête avec Charles et Amélie, vous ne verrez pas le temps passer.

« Malgré le froid que je devais braver certains jours, je m’en allais, par les allées, lire les épitaphes. Mais combien de degrés négatifs, combien de gouttes de pluie givrante pour enfin tomber sur l’inscription qui réchauffait mon cœur ? Celle que je recopiais de mes doigts gourds et que j’envoyais le soir même à Vire, chez mon nouvel ami.
« Ici repose mon épouse bien-aimée. Seigneur, reçois-la avec la même joie que je te l’envoie. (sic) » »