Les Murailles
de Erika Soucy

critiqué par Libris québécis, le 16 avril 2016
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Les Ouvriers de la Cöte-Nord
Une jeune femme laisse son mari et son enfant pour une semaine afin de se rendre dans un chantier d’Hydro Québec à La Romaine où on construit un barrage. Que va-t-elle y faire ? Apparemment rien, sinon s’inspirer des travailleurs pour écrire des poèmes.

Le rien est l’entreligne où se cachent tous les maux du monde. Et Erika Soucy, protagoniste de son roman, est bien déterminée à mettre des mots sur des « bobos » dont elle ignore la nature. Pendant qu’elle écrit ses observations, elle soupèse le sens de la famille qui représente la trame de fond de ce roman, dont l’inachèvement est flagrant. Sa réflexion principale porte en fait sur les motivations de travailleurs implantés en milieu inhabité pour réaménager une rivière afin de produire de l’électricité.

L’argent n’est pas le leitmotiv de ces ouvriers qui ont choisi d’offrir leurs bras à la Côte-Nord du fleuve Saint-Laurent. Et l’absence de femmes ne joue pas non plus en faveur de leur décision. Se retrouver dans un monde d’hommes virils relève d’un choix mûri. Mais à quels besoins répond cet appel de l’exil volontaire ? C’est que certes on y trouve son compte.

En se rendant à La Romaine, l’auteure renoue avec son père Mario, son frère et son oncle. Tous y travaillent. Ils se retrouvent en fait en famille. Avant de partir, elle ne percevait pas les siens comme des êtres en odeur de sainteté. Quand Mario revenait à la maison, il coulait le temps en se soûlant. Sa mère portait tout le joug de l’éducation.

En fait, chacun d’eux fuit la réalité du quotidien en faveur d’un ailleurs lointain qui les enveloppe dans un cocon ouvrier les exonérant de leurs responsabilités. En côtoyant les mâles de sa famille, Erika Soucy a vite compris qu’ils ont quitté leur milieu pour s’arroger une plus grande liberté. Ce ne sont pas de mauvais diables comme le laissent croire les médias. Ils ne sont ni batailleurs, ni cupides. Ils cherchent leurs aises en se construisant finalement des murailles pour se protéger d’une société toujours de plus en plus exigeante. Ça rappelle les années de collège des pensionnaires d’autrefois. Pas de mère qui chiale, pas de père qui punit, pas de frères et sœurs qui enquiquinent.

En soi, c’est un sujet en or. Mais encore faut-il que ce soit bien traité. Bien que de nombreuses critiques encensent cette œuvre inaboutie, il faut dire que la trame est montée avec un manque flagrant d’organisation. C’est un fourre-tout où se mêlent des réflexions qui restent en suspens. On n’énonce que des éléments de la thématique. Le message se perd dans des bavardages caractéristiques des téléséries comme 30 vies, une émission fort populaire. Petits flashs en somme de la vie quotidienne des « gars de chantier » qui s’éloignent de chez eux pour être plus heureux.

Cette faiblesse de la structure pourrait être camouflée par une écriture forte. Au contraire, l’auteure joue le pari du langage oral, voire celui du texto. « Par’z’emp » si t’es willing, m’as t’avouère avec une draft pi un refill avant que tu sacres ton camp. Seuls les mots anglais sont écrits correctement. Écrire aux sons entendus rend difficile la communication. Sous cet angle, le roman appartient presque à une langue étrangère apparentée au français.