Ainadamar : La fontaine aux larmes
de Serge Mestre

critiqué par TRIEB, le 15 mars 2016
(BOULOGNE-BILLANCOURT - 73 ans)


La note:  étoiles
LORCA, CE GITAN....
Federico Garcia Lorca est mort, assassiné par des phalangistes le 18 août 1936 près de Grenade, sa ville natale, à l'âge de trente-huit ans, en compagnie de deux banderillos, anarchistes, et d’un instituteur, Dioscoro Galindo. Le lieu de sa mort s’appelle « ainadamar », la fontaine aux larmes, d'où le titre de ce récit de Serge Mestre.
Ce récit est un hommage à la vie et à l’œuvre de Federico Garcia Lorca et retrace les sept dernières années de sa vie. Le premier chapitre décrit le voyage du poète à New-York en 1929, entrepris pour se ressourcer, retrouver de l’inspiration dans la musique du continent nord-américain. A bord, les nombreuses conversations avec son ami Fernando de los Rios l’occupent et ce dernier le revoit, lui, Federico, en train de jouer quinze ans plus tôt au Centre artistique de Grenade la Sonate N°14 de Beethoven. Les deux amis de Lorca sont présentés dans le récit : dans l’art de toréer, et aussi dans leurs choix. Joaquin Arcollas et Francisco Galadi sont membres de la CNT, cette organisation anarchiste.
La dictature de primo de Rivera s’est installée en Espagne, et les deux militants n’ont de cesse de participer aux grèves et de lutter contre les grands exploitants agricoles et industriels.
On le voit il est toujours question dans la vie de Federico Garcia Lorca, de libération, d’émancipation, de besoin d’une liberté créatrice. Son ami l’instituteur Discoro Galindo le rôle de l’instruction à l’un de ses élèves Rafael : « L’instruction ouvre la voie du libre-arbitre, la route du penser oui, du rétorquer non, du prendre sur soi de feindre quelquefois d’obéir, pour ne pas finir le voyage en martyr (…)Elle dégage le chemin du penser que tout se bouleverse un jour, se bouleversera (…) Ce jour-là, il convient d’être présent , bien réveillé, parfaitement droit. »
Sur son impression générée par le spectacle de la vie new-yorkaise, Federico énonce une certitude, en répondant à sa mère, critique sur l’aspect bohème de sa vie : « C’est ici que j’ai pu me faire une idée claire de ce que signifie une foule en train de lutter pour l’argent. C’est une véritable guerre internationale, empreinte d’une légère trace de courtoisie. »
A la vue d’une danseuse de Harlem, Federico est saisi d’une évidence : la parenté entre ces gens qu’on réprime, les parias du quartier du Sacromonte à Grenade, les Gitans d’Andalousie. La ressemblance, c’est, selon lui, celle qui les fait résister tous à l’oppression et à l’esclavage : « Je crois qu’être originaire de Grenade(…) me confère une certaine compréhension envers les opprimés, une sympathie légitime envers le Gitan, le Noir, le Juif …le Maure que chacun porte en soi… »

Un propos ô combien actuel, qui résonne à nos oreilles. Serge Mestre parvient, fort bien, à rendre l’hommage dû à l’œuvre et à la personne de Federico Garcia Lorca ; il associe à bon droit son œuvre à la liberté et à l’espoir, incarnés de diverses façons, par les personnages de son récit.