Quatuor
de Anna Enquist

critiqué par Dirlandaise, le 6 mars 2016
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
Quatre amis et la musique
Quatre amis sont aux prises avec des problèmes personnels et familiaux importants à différents degrés. Caroline est médecin et a dû affronter un deuil tragique, Jochem est luthier, Hugo doit faire face à un licenciement injuste et enfin Heleen, infirmière, tente de réconforter les uns et les autres du mieux qu’elle peut. Une seule chose cependant soude leur amitié : la musique. Ils se réunissent régulièrement afin de jouer Bach ou Mozart. Cet intermède salutaire dans leur vie les rassemble et renforce leurs liens parfois bien fragiles. Enfin, Reinier, un ancien professeur de violoncelle à la retraite vit terré dans son logement et se laisse lentement gagner par la paranoïa jusqu’à ce qu’un jeune garçon lui offre son aide pour les courses et le ménage. Pour Reinier, avouer sa dépendance revient à se rendre vulnérable et l’expose au risque de se voir privé de son logement et relégué dans une maison de retraite ce qu’il désire éviter à tout prix malgré ses conditions de vie qui se dégradent de plus en plus.

Un roman touchant sur le vieillissement et ses conséquences ainsi que sur l’amitié et le deuil. Les derniers chapitres prennent des airs de polar assez rocambolesque, bourré d’action et de suspense que j’ai bien aimé malgré le fait que cette fin soit assez étonnante. J’ai aussi beaucoup aimé le personnage de Reinier, la description de ses angoisses et de ses difficultés devant ce qui autrefois lui était si facile à accomplir. Son excursion pour acheter des billets de concert est sublime. Ce personnage est le plus intéressant du roman à mon avis et j’aurais aimé qu’il prenne plus de place ou mieux, qu’il soit l’objet à lui seul du récit.

Belle découverte pour moi que cette auteure que je ne connaissais pas.
Lecture mitigée 6 étoiles

Drôle de roman que ce Quatuor. Choisi un peu par hasard, je pensais avoir affaire à une lecture axée sur la musique et pour le coup on ne peut pas dire le contraire car Quatuor est une œuvre où la musique tient une part prépondérante.
Néanmoins et c’est là où le bât blesse, j'ai eu le ressenti qu'au final l’histoire et les personnages n'étaient qu'un prétexte pour parler de musique. On s’attache peu à eux et, drôle de paradoxe, le personnage que j’ai le moins apprécié est au final celui qui m’a le plus marqué (Caroline pour la petite histoire).
On sent à travers les lignes une grande affection pour la musique classique, aux rituels et aux émotions que peut procurer cet art. Mais au final derrière cela, pas grand-chose si ce n'est le quotidien des cinq personnages principaux, leur travail, leurs rituels, leur passé et une fin rocambolesque qui nous tombe dessus.
Une lecture étrange marquée par une fin particulièrement surprenante.

Sundernono - Nice - 41 ans - 18 octobre 2024


pas très gai, mais excellent 9 étoiles

Amsterdam, probablement. Car la ville n’est jamais nommée. Anna Enquist nous entraîne sur l’aventure d’un quatuor amateur, amis de jeunesse pour qui la pratique d’un instrument en groupe procure un dérivatif nécessaire à une vie plus ou moins perturbée. Il y a le couple Caroline, médecin (violoncelle) et Jochem, luthier (alto), qui ont perdu leurs deux garçons dans un accident de car scolaire et ne s’en remettent pas ; Heleen, infirmière est deuxième violon ; Hugo (premier violon) est directeur du centre culturel qui organisait naguère des concerts prestigieux, mais qui, aujourd’hui, n’est plus qu’une coquille vide, en attendant d’être vendu aux Chinois : il vit dans une barge sur un canal et accueille un jour par semaine sa petite fille âgée de trois ans… Tous sont passionnés de Mozart, Schubert ou Dvořák, dont ils décortiquent les quatuors avant de les jouer, répétant dans la péniche de Hugo. Il y a aussi Reinier, l’ancien soliste virtuose qui donne encore des leçons à Caroline, devenu un vieillard déchu vivant dans la hantise de devenir handicapé et d’être envoyé dans les mouroirs que sont désormais les maisons de retraite. Autour d’eux, il y a la ville, les immigrés, dont le jeune Djamil qui rend service à Reinier et, en toile de fond, la corruption des élites municipales et le procès en cours d’une grande affaire criminelle.

Tout ça semble se passer dans un futur très proche : la culture est devenue un privilège (l’entrée au dernier concert qu’a organisé Hugo dans son centre était à 350 €), se soigner une machinerie complexe avec les innombrables assurances privées, et vieillir une catastrophe qu’on cherche à cacher : "Demander de l’aide, comme si c’était facile ! Tu t’entends un peu ? Demander de l’aide, ça veut dire admettre qu’on n’est plus capable de se débrouiller seul. Le dernier arrêt avant la fin". Le monde semble devenu presque inhumain, et pourtant c’est bien le nôtre, celui qui nous attend sous peu. Anna Enquist nous livre une sorte de "Meilleur des mondes" dont elle fait une sévère critique politique et sociale. Alors, bien sûr, on pourra trouver qu’elle brasse trop de thèmes : la tragédie de la perte d’enfants, l'importance de la musique, le drame de la vieillesse (on se débarrasse des vieux dans des mouroirs où on pratique allègrement l’euthanasie), l’incurie politique et la corruption des élites. Mais c’est un roman fin, subtil aussi bien que désespéré et pourtant, l’émotion est là, on se laisse prendre. La fin, en forme de thriller peut surprendre !

Autres citations :
"On croit qu’il faut travailler, faire rentrer de l’argent, progresser professionnellement – foutaises, n’importe quoi ! Ça peut se remettre à plus tard, tout ça. Pas la jeunesse de tes enfants".
"Lui, il voudrait justement que les choses se passent ainsi : le désespoir, le chagrin, puis lentement sortir du trou, passer en revue ce qui vaut encore la peine d’être vécu et continuer sur cette base, appauvri, abîmé peut-être, mais en route vers quelque part".
"L’odeur de l’eau, ça c’est quelque chose de fabuleux. Ça nous ramène direct à l’enfance, tu as remarqué ? Quand on croyait que le monde était simple à comprendre, si on avait les connaissances".

Mathieu971 - - 68 ans - 30 novembre 2016


Triste et beau 8 étoiles

Dans une ville qu'on suppose être Amsterdam, des amis se retrouvent pour jouer de la musique sur la péniche de l'un d'eux. Chacun de ces membres du quatuor est dans une passe difficile mais la musique les réunit et leur permet d'oublier pour un moment les difficultés dans leur vie.

Anna Enquist est musicienne en plus d'être écrivain, et elle décrit bien le plaisir que peut avoir un quatuor à communier ensemble lors de répétions de Mozart, Dvorak ou Haydn. Dans ce roman, elle se livre aussi à une critique aiguë de la politique actuelle qui consiste à démanteler la culture (économie et manque d'intérêt) et également en matière de médecine : en particulier le traitement des personnes âgées. Comme Dirlandaise, j'ai trouvé que le personnage le plus intéressant est le vieux professeur de musique, ancien virtuose, qui vit seul et craint par dessus tout d'être placé de force dans un home pour vieux. C'est un beau portrait de la vieillesse, mais assez triste et cruel comme l'est devenue notre société.

Un beau roman mais finalement assez pessimiste.

Saule - Bruxelles - 59 ans - 6 novembre 2016