Subordonnée
de Isabelle Gaumont

critiqué par Libris québécis, le 24 février 2016
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
L'Employée de bureau
Qu'en est-il de la femme moderne ? Pas grand-chose n’est advenu à son sujet selon Isabelle Gaumont. Elle en fait la démonstration à travers Jeannine Beaubien, une employée modèle qui travaille dans un immeuble à bureaux pour une agence de recouvrement des comptes en souffrance. Seule dans un cubicule à l’instar du cénobite, l’héroïne mène une vie d’automate ultra performant.

Son boulot l'a vidée de son essence au point de se sentir insignifiante, d'autant plus que l'entreprise a établi une supervision du travail qui ne laisse prise à aucune initiative. Confinée à une aire mal aérée, elle doit subir la surveillance malveillante de ses consœurs, qui exploitent ses moindres défaillances pour accroître leurs chances dans la course aux promotions. Au rythme de 40 appels téléphoniques à l'heure, l'héroïne est la championne du rendement. Alors qu'elle est une référence d'excellence, elle s'appauvrit à d'autres plans. Elle voudrait « avoir du fond jusqu'à ras bord ». Elle en a « tellement soupé de ne pas savoir ce que tout le monde sait.» Son idéal serait d'avoir la réponse à toute question. Et sa vie privée porte les stigmates de son emploi. À la maison, elle est au service d'un fils à maman qui la tient pour acquise. Comme substitut à sa mère, il s'est choisi une conjointe qui a hérité du manque de confiance de sa génitrice.

Après huit ans de vie de couple et cinq séances de psychothérapie ordonnées par son patron, elle entreprend de se mettre sur la mappe. En fait, le roman décrit le sort de la gent féminine. Le constat montre que rien ne s'est amélioré depuis Socrate. Tout contribue à sa subordination : la télévision et même le psy, qui reformate la récalcitrante pour assurer sa fonctionnalité à l'intérieur des cadres machistes.

Cette œuvre est un long monologue caustique qui rejette l'image de la femme que la société véhicule. Avec une plume corrosive, Isabelle Gaumont trace un tableau monochrome des conditions féminines. Tout est à l'encre de Chine noire. Son jugement emprunte des raccourcis qui contournent les nuances, mais la verve goguenarde confère au roman un dynamisme assez fort pour susciter de l’empathie à l’égard du deuxième sexe.