Des lames & des lumières
de Carine-Laure Desguin, Catherine Berael (Dessin)

critiqué par Débézed, le 25 janvier 2016
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Arcanes majeurs
Je connaissais Carine-Laure à travers les textes qu’elle a écrit en résonance à des romans de Marguerite Duras, je ne suis pas étonné de la retrouver cette fois armée de la plume du poète tant ses textes en hommage à la romancière respiraient la poésie. Dans le recueil qu’elle propose ici, elle présente des poèmes écrits en résonance, toujours, aux vingt-deux arcanes majeurs du tarot, tout en ajoutant six textes pour parvenir au nombre de vingt-huit. Selon Eric Allard, le brillant préfacier (il faut impérativement lire cette préface pour mieux comprendre les arcanes des textes), « la poétesse a pris des libertés avec les lames traitées individuellement pour atteindre à un nombre parfait (divisible par la somme de ses diviseurs) de textes bien accordés ». Je ne suis pas suffisamment versé en mathématiques et tarologie pour contester une aussi brillante démonstration. L’arcane majeur numéro 1, le Bateleur, ouvre donc la série en deuxième position des textes dans le recueil.

« Sur les tréteaux du bateleur
Les aiguilles des lendemains
Babillent. »

Et le Bateleur passe la main à la Papesse qui cède à son tour la place à l’Impératrice et ainsi de suite jusqu’à l’arcane vingt-deux le Mat qui appelle le renouveau. Il ne faut surtout pas oublier d’évoquer les vingt-deux lames représentées par l’illustratrice, Catherine Berael, dans lesquelles surgit toujours une tache de lumière illuminant des mondes tout en nuances de gris allant du blanc éclatant de cette lumière au noir le plus obscur. Des gravures aux contours mal définis évoquant des mondes flous percés de rayons de lumières, des mondes ésotériques éclairés par les lumières des lames (les lumières sont toujours évoquées au pluriel comme aux Siècle des lumières). Dans cet exercice aux limites de l’ésotérisme, Carine-Laure Desguin excelle, sa langue riche, son style brillant, génèrent des textes lumineux et je n’ai pas pu m’empêcher de penser que ces poèmes étaient un peu comme la lame de l’épée du toréador, revêtu de son ami de lumière, captant un dernier rayon de soleil avant de plonger dans le garrot du toro.

Dans ces textes inondés de lumière, j’ai aussi voulu voir une forme d’optimisme, d’espérance, de foi en la vie, une croyance en des forces ésotériques qui sauveront le monde de sa morosité actuelle

« Respires-tu les pays de lumières
De terres promises aux volcans de feux
Au-dessus des ciels des orages des éclairs
Quand les hommes aux costumes éphémères
Battent les cartes et coupent les jeux
Te guident vers les étoiles des amours heureux
Quand les hommes aux costumes éphémères
Te racontent les chemins des rites sulfureux ».

« La victoire
C’est un chariot de soleil
S’élançant du septième ciel
Bousculant les matins et les soirs ».

Mais l’arcane treize rappelle lecteur aux dures réalités :

« La treize la faux la mort
Sèche et tranchante à vous couper le souffle ».

La poétesse nous a révélé les forces qui animent les mondes, elle nous a montré les chemins des lumières, elle a fait briller les lames qui contiennent notre avenir dans ses textes lumineux, elle nous intronise :

« Soldat de la vie aux mouvements de cristal
Respires-tu les pays de lumières
Maintenant que d’ici tu connais
Ce que ton âme déjà savait ? »