Derrière les panneaux, il y a des hommes
de Joseph Incardona

critiqué par Monocle, le 19 janvier 2016
(tournai - 64 ans)


La note:  étoiles
derrière les panneaux
L'autoroute est un monde à part. A côté du macadam il y a une vie propre avec ses codes. Les parkings, les aires de repos, les restos-route, les sous-bois qui bordent les poubelles sont le théâtre d'une fourmilière moite. Le monde caché du sexe : un sexe violent à l'odeur de sueur, aux haleines fades. L'autoroute a ses putes, ses pervers, ses paumés. Elle est le terreau d'un territoire caché.
C'est cet univers que Pierre a choisi pour bercer son désespoir. Il observe. Il souffre. Souvenir de sa fille, Lucie, enlevée, dont il est sans nouvelle depuis... ! Le temps s'est arrêté depuis si longtemps.

Joseph Incardona a choisi un style haché pour créer son roman. Des phrases courtes, une ponctuation avare. Le fil conducteur c'est l'ambiance mais la lecture est malgré tout digeste. Etait-il indispensable de décrire avec un tel luxe de détails la sexualité des acteurs ?
Je reste perplexe à l'issue de ce curieux livre.
Aires sans repos 10 étoiles

Sur le chemin des vacances, Marc, Sylvie et leur fillette Marie s’arrêtent sur une aire de repos pour déjeuner au restoroute, Après le repas, les parents demandent à la fillette de s’éloigner un moment pour les laisser discuter entre adultes. Ils ont en effet un sérieux problème d’infidélité à régler. Marie sort faire un tour à l’extérieur. Quand ils veulent la récupérer un moment plus tard, impossible de la retrouver. Quelques temps auparavant une autre fillette, Lucie, avait déjà disparu sur une aire de repos de la même autoroute. Depuis, Pierre Castan, son père, sillonne l’autoroute, observe, interroge, cherche des indices qui pourraient le mettre sur la voie. Désir de savoir et de se venger, davantage qu’espoir de retrouver l’enfant car les statistiques montrent qu’après un délai assez bref, les chances de retrouver vivante la personne enlevée sont infimes. Quant à Ingrid, sa femme, rongée de culpabilité, elle s’abîme dans des séances de sexe sinistres, dans le seul but de s’humilier pour se punir.

Avec la disparition de Marie, la police relance l’enquête. Pour le lecteur, la question n’est pas l’identité du coupable, que l’auteur lui donne très rapidement, mais de savoir s’il va être découvert et comment. Et surtout d’observer la faune de l’autoroute. Au début du roman, Pierre Castan observe les mouches à travers le pare brise de sa voiture. C’est aussi un regard d’entomologiste, ou de sociologue, que porte l’auteur sur le microcosme autoroutier : vacanciers, prof de Fac en escapade adultère avec une étudiante, prostituées, petit voleur, gérant de restoroute au bout du rouleau et de ses magouilles, flics, et bien sûr tueur. Tous, y compris ce dernier, personnalité au demeurant très opaque, sont vus avec une grande empathie.

Les parents, anéantis par la disparition de leur enfant, en proie au désir de vengeance comme Pierre ou à des pulsions destructrices comme Ingrid, suscitent moins la sympathie que la compassion. Les personnages les plus attachants sont les deux flics chargés de l’enquête, touchants par leur obstination et leurs faiblesses, et les deux prostitué(e)s, la vielle reconvertie en diseuse de bonne aventure et la jeune, un trans.

Le roman se déroule pratiquement intégralement sur l’autoroute et ses dépendances, parkings et surtout aires de repos. C’est cette unité de lieu très particulière qui donne sa force et sa cohérence à l’histoire.

Le style est souvent cinématographique. Parfois les phrases non verbales envahissent la page. Et c'est parfois très cru dans les situations et le langage.
Du même auteur, j’avais apprécié « 220 volts », "Derrière les panneaux il y a des hommes" est très différent, mais à mon avis encore meilleur (bien qu’antérieur)

Malic - - 83 ans - 10 octobre 2018


polar autoroutier 10 étoiles

Un huis-clos en milieu ouvert, tel est le pari (tenu) de ce thriller mettant aux prises un tueur en série, le père d'une des victimes, et la capitaine de gendarmerie Julie Martinez, bien handicapée dans son enquête par ses menstrues douloureuses. Sans oublier Tía Sonora, la diseuse de bonne aventure, proxénète d'occasion, et maint autres personnages tout aussi hauts en couleurs. L'écriture colle à l'action, se resserrant à l'extrême ou s'étirant en fonction de l'urgence des situations, naviguant d'un personnage à l'autre dans une vision très cinématographique. Champ-contrechamp, zoom, plan d'ensemble alternent au gré de l'imagination fertile d'un auteur qui a conçu là une œuvre originale, que l'on parcourt à cent-trente kilomètres à l'heure, par temps sec bien entendu…

Jfp - La Selle en Hermoy (Loiret) - 76 ans - 8 octobre 2016